Article par Charlotte METHORST
Chères consœurs, chers confrères, cher(e)s ami(e)s de la médecine sexuelle, j’ai lu et résumé pour vous l’article de revue récent de l’ISCM : « Review of recent data on disorders of ejaculation and orgasm in men: Recommendations from the Fifth International Consultation on Sexual Medicine », panel d’experts internationaux en médecine sexuelle.
La principale nouveauté de cette revue est le traitement de pathologies ou de symptômes sexuels de façon algorithmique, donnant ainsi plus de place à une prise en charge à la façon de la médecine sexuelle, c’est-à-dire basée sur les preuves associant arbre diagnostic, diagnostics différentiels, examens complémentaires et prise en charge intégrative allant de la chirurgie au médicament en passant par la rééducation périnéale et la thérapie cognitivo-comportementale.
Du côté de l’orgasme, plusieurs up-date :
Anorgasmie
En effet, face à la question ce trouble chez l’homme, nombre d’entre nous sont dépourvus une fois le dosage de la testostéronémie réalisé.
Que nous propose l’ICSM : de réaliser un examen clinique à la recherche d’une neuropathie, d’un syndrome de la queue de cheval, d’un phimosis, d’une sclérose du gland mais aussi des examens complémentaires biologiques ( SHBG, testostérone, estradiol, glycémie, TSH, Prolactine +/- FSH LH) et d’imagerie ( IRM cérébrale et médullaire).
Ce trouble peut être acquis lié au vieillissement et à l’émoussement de l’excitabilité ou primaire et serait en rapport avec une dysrégulation du système limbique.
Les thérapeutiques proposées peuvent être l’éviction des toxiques, la modification de certains traitements en particulier les IRSS, un traitement chirurgical d’un phimosis et dans tous les autres cas une prise en charge en thérapie cognitivo comportementale associant thérapie sexuelle, éducation et sensate focus.
Post-orgasmic illness syndrome
Le post-orgasmic illness syndrome (POIS) ou malaise post-orgasmique est un trouble rare contemporain de l’orgasme ou de l’éjaculation chez l’homme. Il se définit principalement par une chronologie spécifique (apparaissant constamment dans les minutes suivant l’orgasme ou l’éjaculation, toujours de même intensité et régressant spontanément) et des 7 types de symptômes différents pouvant s’additionner.
Les symptômes sont effectivement très variés d’un individu à l’autre mais sont :
les mêmes et d’une même intensité à chaque éjaculation ou orgasme chez un individu
survenant quelques secondes, minutes ou heures après l’éjaculation ou l’orgasme
d’une durée de 2 à 7 jours
régressifs de manière spontanée
primaire ou secondaire
Les symptômes vont de l’état de torpeur à la céphalée et peuvent être classés en 7 groupes
Groupe 1 , symptômes généraux : fatigue extrême, épuisement, palpitations, problèmes de recherche de mots, discours incohérent, dysarthrie, difficultés de concentration, irritabilité, ne supporte pas le bruit, photophobie, humeur dépressive
Groupe 2, syndrome pseudo grippal : fièvre, transpiration, frissons, sensation de malaise, sensation de froid
Groupe 3, symptômes neurologiques : maux de tête, sensation de brouillard, sensation de lourdeur
Groupe 4 symptômes oculaires : brûlure, yeux rouges injectés, vision floue, larmoyant, irritant, démangeaisons, yeux douloureux
Groupe 5 symptômes nasaux : congestionnement, écoulement nasal, éternuements
Groupe 6 symptômes laryngés : goût sale dans la bouche, bouche sèche, mal de gorge, toux irritative, voix rauque
Groupe 7 symptômes musculaires : tension musculaire dans le dos ou le cou, faiblesse musculaire, muscles douloureux, jambes lourdes, raideur musculaire.
L’incidence réelle est inconnue car la maladie est probablement sous-déclarée et sous-diagnostiquée. Étant donné la rareté du diagnostic la population type n’est pas complètement définie, cependant certaines associatives ont été décrites : éjaculation prématurée (46,0 %), dépression (24,3 %), trouble anxieux généralisé (17,9 %), dysfonction érectile (14 %), allergies.
Le diagnostic est effectivement celui d’une élimination d’autres pathologies ( prostatite chronique ou douleur pelvienne chronique, cataplexie post-orgasmique, céphalée orgasmique bénigne, dysphorie post-coïtale etc) et se base sur un interrogatoire minutieux, un examen clinique et différents examens complémentaires en fonction du tableau symptomatique et du profil du patient.
Au même titre que la physiologie n’est pas uniciste les traitements ne sont pas non plus codifiés mais idéalement seront intégratifs et multimodaux.
La désensibilisation décrite par le Dr Marcus Meinardi permet une amélioration de 60 et 90 % des plaintes et consiste en la titration et l’injection bi hebdomadaire de sperme autologue dilué pendant la première année et suivie d’une fois par mois les années suivantes.
L’injection peut aussi se réaliser dans un ganglion lymphatique inguinal selon le même principe de titration et avec des résultats similaires.
Du point de vue des molécules, plusieurs ont été essayées :
- Diclofénac :avec jusqu’à 80 % d’amélioration des symptômes, une augmentation des rapports sexuels , le protocole de traitement proposé consiste en une prise de 75 mg 1 à 2 h avant le rapport sexuel puis 2/ jour pendant 24 à 48 h
- Prednisone
- Tramadol
- Alpha-bloquants
- Niacine, la feuille d’olivier, le fenugrec, le palmier nain et la wobenzyme
La prise en charge du POIS peut aussi s’appuyer sur les techniques de relaxation de Benson
Correspondant à une combinaison d’exercices associant respiration profonde et relaxation musculaire progressive pour tenter de synchroniser les activités végétatives tout comme sur les thérapies cognitivo-comportementales et les techniques de pleine conscience.
Comme souvent en médecine sexuelle, l’information du patient et l’explication de la pathologie sera essentielle.