Dr Jean-Pierre Graziana
Spécialiste en urologie fonctionnelle, andrologie et médecine sexuelle – Administrateur SFMS
Introduction
Les érections douloureuses représentent un symptôme complexe et multifactoriel, souvent anxiogène pour le patient, pouvant traduire aussi bien une pathologie organique qu’un trouble fonctionnel. Elles concernent principalement trois grands cadres cliniques : le priapisme ischémique ou intermittent, le syndrome d’érections douloureuses liées au sommeil (SRPE), et la maladie de Lapeyronie en phase inflammatoire. La distinction entre ces entités est fondamentale pour adapter la prise en charge, tant leurs mécanismes physiopathologiques et leurs implications thérapeutiques diffèrent.
1. Les érections nocturnes physiologiques : un marqueur de santé érectile
Les érections nocturnes sont androgénodépendantes et participent à la trophicité du tissu érectile — véritables « séances de jogging nocturne du cœur périnéal ».selon Pierre BONDIL notamment. Chez l’homme sain, elles représentent 1h30 à 3h d’érection par nuit, de type « aérobie ». Leur altération ou leur absence constitue un signe d’appel de troubles du sommeil, de pathologie cardiovasculaire, de stress et anxiété chronique ou d’hypogonadisme. Elles doivent être considérées comme un biomarqueur de bonne santé sexuelle et Générale chez l’homme.
2. Le priapisme intermittent ou récidivant
Le priapisme ischémique intermittent se manifeste par des épisodes d’érections prolongées et douloureuses, survenant principalement en fin de nuit, parfois avec régression matinale spontanée . La physiopathologie repose sur un déséquilibre de la voie du (voie du monoxide d’azote starter de l’activation de la relaxation prolongée des fibres musculaires lisses dans le tissu vasculaire et de l’éponge erectile (voie du NO/GMPc et de la PDE5).
Diagnostic Clinique:
Durée > 30 min (souvent > 1 h)
Plutôt en fin de nuit débordant sur le matin
Détumescence lente après réveil nocturne et marche, eau glacée
Doppler pénien : onde de basse resistance
Douleur ischémique
Risque de fibrose caverneuse si repetition avec baisse des érections volontaires ou stimulées
Traitements par ordre de priorité:
- iPDE5 quotidiens (tadalafil 5 mg, sildénafil 25-50 mg)
• α-stimulants (midodrine, pseudoéphédrine)
• 5-α réductase inhibiteurs
• Régulation hormonale en cas d’hypogonadisme
• En cas d’échec : shunt chirurgical distal ou implant pénienLes IPDE5 quotidiens permettent, dans certaines formes récidivantes, de restaurer la régulation de la voie NOS/PDE5, réduisant la fréquence des épisodes (Montorsi et al., 2000).
3. Le syndrome d’érections douloureuses liées au sommeil (SRPE)
Le SRPE est une parasomnie (rare≈1 % des consultations pour troubles érectiles) caractérisée par des érections douloureuses survenant pendant le sommeil paradoxal en milieu de nuit avec verge anatomiquement normale et érections indolores en journée ou lors des rapports. Ces douleurs réveillent les adultes plutôt jeunes (20 à 50 ans) et cessent rapidement lors du lever permettant de se réendormir.
Étiologies suspectées :
- Hyperactivité musculaire périnéale réactionnelle à des traumatismes physiques, Mauvaises habitudes, violences
• Facteurs psychologiques et de stress récents ou anciens (très fréquemment retrouvés)
• Apnée obstructive du sommeil
• Dysrégulation hormonale ou neurovégétative
Bilan recommandé :
- Examen clinique et hormonal normal
• Évaluation du sommeil (polysomnographie) +++
• Évaluation périnéale et kinésithérapie pelvienne +++
Prise en charge multimodale :
- Baclofène 10–30 mg le soir (25 à 35 % d’efficacité)
• Kinésithérapie périnéale et relaxation
• Appareillage d’apnée du sommeil
• Hypnose, acupuncture ou thérapies antistress
• Prothèse pénienne en cas d’échec thérapeutique et en dernier recours si perturbation sociale et grande fatigue.Les études récentes confirment le lien entre SRPE, apnée du sommeil et troubles anxiodépressifs (Johnson et al., IJIR, 2022 ; Burnett et al., Fertil Steril, 2020).
4. La maladie de Lapeyronie douloureuse
La phase inflammatoire de la maladie de Lapeyronie peut s’accompagner de douleurs de verge nocturnes ou érectiles, précédant ou accompagnant une déformation de la verge. Trois formes évolutives sont décrites (Trost, Mulhall, Hellstrom, J. Urol., 2024) :
– Classique : courte, pendant 3 à 6 mois ;
– Progressive : lente, jusqu’à 24 mois ;
– Récidivante : alternance poussées/stabilité.
Traitement symptomatique de la douleur si plaque fibreuse douloureuse de l’albuginée
- AINS en première intention
• Ondes de choc de faible intensité (efficacité antalgique démontrée)
• iPDE5 possibles
• Injections de corticostéroïdes : données insuffisantes
5. Points clés de la prise en charge
Une approche intégrée est nécessaire : urologique, andrologique, mais aussi du sommeil et de la santé mentale. L’errance diagnostique reste fréquente, soulignant l’importance de la sensibilisation des praticiens à ces syndromes spécifiques.
Tableau. Points essentiels à retenir sur les érections douloureuses
| Étiologie | Caractéristiques | Diagnostic | Traitement principal | Points clés |
| Priapisme ischémique/intermittent | Érection > 30 min, douleur, détumescence lente | Doppler : basse résistance | iPDE5 quotidiens, α-stimulant, 5ARI, androgénothérapie | Risque de fibrose ; urgence si > 3 h |
| SRPE (Sleep-Related Painful Erections) | Érections douloureuses pendant le sommeil, normales éveillé | Clinique, bilan sommeil/périnéal normal | Baclofène, kiné périnéale, traitement apnée, relaxation | Trouble multifactoriel du sommeil paradoxal |
| Maladie de Lapeyronie (phase active) | Douleur + déformation évolutive | Palpation, écho, IRM si doute | AINS, ondes de choc, ± iPDE5 | Douleur = phase inflammatoire ; suivi de l’évolution |
| Causes secondaires | Infection, inflammation, phimosis, trauma | Examen local, bilan infectieux | Traitement étiologique | Toujours éliminer causes locales avant étiologie fonctionnelle |
Conclusion
Les érections douloureuses constituent une entité polymorphe à la croisée de l’urologie, de l’andrologie et de la médecine du sommeil. Leur reconnaissance précoce, l’identification du mécanisme (ischémique, fonctionnel ou inflammatoire) et la mise en œuvre d’une approche thérapeutique combinée sont essentielles pour préserver la fonction érectile et la qualité de vie.
Bibliographie
- Bondil P. La dysfonction érectile. John Libbey Eurotext, Paris, 2003.
- Montorsi F. et al. Androgen-dependent modulation of nocturnal erections and PDE5 inhibition. Eur Urol, 2000.
- Trost L., Mulhall J., Hellstrom W. Creation of a Novel Classification System (PTNM) for Peyronie’s Disease and Penile Curvature Using Evidence-Based Criteria. J. Urol., 2024.
- Johnson J.M., et al. Sleep-Related Painful Erections: Clinical Features and Diagnostic Challenges. IJIR: Your Sexual Medicine Journal, 2022.
- Burnett A.L. et al. Painful nocturnal erections: pathophysiology and clinical management. Fertility and Sterility, 113(1), 2020.
- Wong R., et al. Multifactorial mechanisms in sleep-related painful erections. IJIR, 2024.
- Graziana J.-P. Douleurs de verge nocturnes : prise en charge. Communication AIUS–JF3S, 2024.