Le point sur les vestibulodynies

Dr Clarence de Belilovsky, Paris, France

Introduction

La définition des vulvodynies, selon l’ISSVD 1983 (International Society for the Study of Vulvar Disease), est la suivante : Inconfort vulvaire, le plus souvent décrit comme des brûlures, apparaissant en l’absence d’affection vulvaire visible ou de désordre neurologique spécifique.

On distingue aujourd’hui les formes généralisées ou localisées, les formes provoquées par le toucher ou spontanées. Ainsi les anciennes vulvodynies essentielles dysesthésiques deviennent des vulvodynies généralisées spontanées. Le terme de vestibulite a été abandonné car il renvoyait à une pathologie inflammatoire, ce qui n’est pas le cas. La symptomatologie correspond à une vulvodynie localisée provoquée (ou vestibulodynie provoquée). De multiples études ont montré que les trois critères de Friedrich pour la vestibulite (érythème localisé à l’orifice des glandes de Bartholin, douleur déclenchée par le toucher d’un coton-tige, douleur reproduite lors des frottements) n’étaient pas capables d’isoler une entité particulière et que les vulvodynies représentaient un continuum clinique. Cependant, le terme de vestibulite est encore très utilisé en pratique courante, notamment par les patientes qui glanent beaucoup d’informations sur les sites et forums internet correspondant à ce mot clef. Reconnaître et nommer l’affection est le premier pas dans la prise en charge thérapeutique, quel que soit le terme employé.

La dyspareunie correspond à un rapport sexuel douloureux, le plus souvent lors de la pénétration : on parle alors de dyspareunie orificielle ou superficielle. Elle peut s’accompagner d’un vaginisme : Contracture involontaire et douloureuse des muscles de la région vaginale. Les vestibulodynies provoquées représentent la cause la plus fréquent de dyspareunie chez les femmes de moins de 50 ans. Dans 20% des cas, il s’agit d’une dyspareunie primaire, ce qui représente un facteur de gravité.

Reconnaître les vestibulodynies

Environ 7% des femmes souffrent de vulvodynie, mais la plupart n’ont pas été diagnostiquées. L’incidence annuelle est d’environ 1,8%. Les dyspareunies affectent 8 à 22% des femmes à un moment au cours de leur vie.

Les vestibulodynies commencent tôt : Plus de 50% débutent avant l’âge de 25 ans, et 75% avant 35 ans (1). Le délai moyen entre le début de la douleur et le diagnostic est de 5,3 + 6,8 ans (de 0 à 29 ans). Or les patientes pensent que le retard au diagnostic a contribué à la sévérité de leurs symptômes. Porter un diagnostic est la première étape dans l’acceptation d’une affection chronique ainsi que le premier pas dans le processus thérapeutique

Les symptômes au cours des vestibulodynies sont essentiellement à type de douleur 70%, de brûlures 64%, de dyspareunie 58% et de picotements 56%. Le prurit est absent. A contrario, l’existence d’un prurit doit impérativement orienter vers une pathologie infectieuse ou dermatologique. Tous les symptômes s’aggravent au cours de la journée mais disparaissent la nuit. La douleur est souvent vécue comme très intense : 10% scores 6-7, 18% score 8 et 28% score maximal de 10 (échelle de la douleur de 0 à 10). La douleur est aggravée par les rapports sexuels (90%), le toucher par le partenaire (55%), les vêtements serrés (55%), la bicyclette (40%), le port de tampons (40%), la position assise (28%), la toilette (30%).

Avant de porter le diagnostic de vestibulodynie, il convient d’éliminer les causes de brûlures vulvaires ou de dyspareunie comportant des anomalies visibles à l’examen clinique vulvaire : Candidoses, dermatoses vulvaires(2) (lichen scléreux, psoriasis, dermite de contact, lichénification, lichen plan, vulvite de Zoon), bride mécanique postérieure…Ainsi, dans une étude incluant 201 patientes suspectes de vulvodynies, le diagnostic lors d’une consultation spécialisée n’a été confirmé que pour 58% des patientes. Les symptômes orientant vers une vulvodynie étaient les brûlures et la dyspareunie. A l’inverse, un prurit ou une tendance aux fissures vulvaires orientaient vers d’autres diagnostics (3). Une biopsie vulvaire est parfois indispensable pour établir le diagnostic (découverte de 61% de dermatoses chez des patientes suivies pour « vulvodynies réfractaires ») (4).

Le principal problème diagnostique est l’absence de critère objectif.

Quels sont les mécanismes?

Pour la douleur elle-même, il existe deux hypothèses qu’il convient de ne pas opposer.

L’hypothèse neuropathique avance que la pathologie neuropathique périphérique est initiale. Il se produit alors un processus central de la douleur qui l’amplifie et qui provoque des problèmes psychologiques et sexuels. Dans l’hypothèse psychosexuelle, ce sont les anomalies psychologiques ou sexuelles qui sont préexistantes, qui subissent un processus central et provoquent allodynie et hyperalgie.

Il est également possible de modéliser les douleurs des vestibulodynies comme des anomalies de 3 systèmes indépendants : La muqueuse vestibulaire, les muscles du plancher pelvien et la régulation de la douleur par le système nerveux central (5). Ce modèle explique en partie le fait que les vestibulodynies appartiennent à la même famille que les fibromyalgie (risque relatif X 3,8) et que le syndrome du colon irritable (RR X 3,1), pathologies au cours desquelles on rencontre également des dysrégulations muqueuses, musculaires et de la douleur. A l’IRM cérébrale, une étude a montré que les zones activées étaient les-mêmes dans tous ces syndromes douloureux, et différentes de celles activées au cours des douleurs inflammatoires.

Ce modèle dessine également des pistes pour les axes thérapeutiques.

Muqueuse vestibulaire?

Histologiquement au sein des zones vestibulaires douloureuses, il existe un certain degré d’inflammation (élévation des médiateurs inflammatoires IL1b et du TNFα dans l’hymen) (6), une prolifération des nerfs périphériques provoquant à leur tour une inflammation neurogène. La densité des nerfs vestibulaires est plus élevée chez les patientes avec vestibulodynie provoquée que chez les témoins (7). On note également une augmentation des facteurs sériques de prolifération neurogène (Nerve Growth Factor-NGF) chez les patientes après stimulation par Candida Albicans.

Une des dernières recherches en ce domaine a étudié des cultures de fibroblastes provenant de biopsies vestibulaires chez des patientes atteintes de vestibulodynies provoquées (ex-vestibulites) et chez des témoins, et de biopsies des zones externes de la vulve (vestibulodynies et témoins) (8). Une candidose vulvo-vaginale a été modélisée par l’introduction de Candida Albicans dans le milieu de culture et un stress par celui αMSH+C albicans. La comparaison des zones vestibulaires et des zones externes a montré une augmentation des cytokines inflammatoires après C albicans, et αMSH + C albicans, plus élevée dans le vestibule que dans les zones externes, et ceci aussi bien chez les patientes que chez les contrôles. Chez les patientes, on notait une élévation des cytokines inflammatoires de base et après C albicans supérieure à celle des témoins. Il avait déjà été démontré auparavant que l’hypersensibilité au C albicans s’exprimait seulement dans les zones de forte densité des nerfs périphériques (9).

Ainsi, les vestibulodynies provoquées pourraient correspondre à une inflammation régionale, à une sensibilité particulière aux mycoses, au stress, sur un terrain génétique prédisposant.

Trouble musculaire?

Selon les études, on retrouve une hypertonie vaginale avec manque de force des muscles vaginaux et restriction de l’ouverture vaginale (10) ou un tonus musculaire intermédiaire entre normalité et vaginisme et des muscles pelviens très réactifs aux stimuli émotionnels (11). Ceci explique, en partie, l’impact très positif de la kinésithérapie vaginale

Trouble généralisé de la perception douloureuse?

Les vestibulodynies représentent un syndrome douloureux chronique avec participations variables des mécanismes centraux et périphériques. Au cours de la sensibilisation périphérique, les neurones sensitifs vestibulaires peuvent être stimulés par une inflammation locale. Il a été récemment découvert une élévation quantitative des récepteurs à la douleur (récepteurs vanilloides VR-1) dans le vestibule de patientes souffrant de vulvodynie (12). Le processus de sensibilisation centrale de la douleur se caractérise par une allodynie et une extension du champ douloureux correspondant théoriquement à l’augmentation de la réponse neuronale dans la moelle épinière dorsale. Son mécanisme pourrait faire intervenir le système limbique (cortex angulaire antérieur, hippocampe), lequel est mis en jeu au cours des douleurs chroniques et affectives et se traduit par une hyperalgie avec allodynie (13). Le dysfonctionnement du système limbique provoque une augmentation de la sensibilité afférente aux organes pelviens, ce qui entraîne des contactions musculaires toniques et douloureuses. Parallèlement, on constate des anomalies de l’innervation efférente des muscles pelviens qui arrivent dans un système limbique sensibilisé et hypervigilant.

Comme cela a été récemment démontré dans la peau sensible, il existe au cours des vestibulodynies un trouble généralisé et non localisé de la sensibilité douloureuse. Une étude a démontré une baisse du seuil à la pression et la douleur non seulement sur le vestibule et les petites lèvres mais aussi sur l’épaule (muscle deltoïde), le pouce et le menton (14). Une autre a confirmé chez les patientes atteintes de vestibulodynie une élévation significative du nombre de points douloureux, de l’intensité de la douleur et de l’anxiété induite par la douleur (15). Par ailleurs, seule la douleur provoquée par les rapports sexuels provoque une détresse et des pensées catastrophiques (16). Ainsi, la vestibulodynie pourrait refléter un processus pathologique spécifique du vestibule, surimposé à une hypersensibilité systémique aux stimuli tactiles et douloureux. Lors de la prise en charge, il est indispensable de considérer à la fois les processus centraux et périphériques de la douleur et de proposer des traitements spécifiques pour chacun : médicaments psychotropes contre l’hypervigilance centrale et anesthésiants locaux et/ou kinésithérapie contre le dysfonctionnement des muscles pelviens.

Facteurs génétiques?

32% des patientes avec vestibulodynie au toucher ont un membre de leur famille avec dyspareunie ou intolérance aux tampons. Ceci pourrait s’expliquer par une médiation génétique de la sensibilité douloureuse via le gène MCR1.

Participation psychologique ?

Les patientes atteintes de vestibulodynies ont une personnalité précautionneuse, attentive, insécurisée, pessimiste, vulnérable dans leurs relations intimes (17). Elles se considèrent comme inadéquates, ne pouvant satisfaire la sexualité de leur partenaire, ce qui provoque chez elles honte, culpabilité et conflit entre romantisme et sexualité (18). Ces patientes ont une surestimation de la douleur et du risque de douleur potentielle, une hypervigilance vis-à-vis des douleurs lors des rapports sexuels, et, en cas de douleur, elles ont plus de conduites d’évitement et de réactions catastrophiques que les sujets témoins. Il semble donc nécessaire de traiter l’anxiété et la peur de la douleur en plus de la douleur elle-même (19). Les difficultés psychologiques et relationnelles que vivent ces patientes ne sont pas uniquement liées à la douleur elle-même mais également à la signification qu’elles lui attribuent, ces patientes étant très influencées par les standards sociaux de sexualité et de féminité (20). En cas de dépression associée, celle-ci précède plus souvent qu’elle ne suit le début des vulvodynies : 62,5% des cas (21). Ainsi, les vestibulodynies pourraient représenter un trouble de la perception douloureuse influencée par des facteurs cognitifs et affectifs (22).

Rôle de la pilule?

Le risque relatif de vestibulodynie provoquée est de 6,6 en cas de prise de pilule ; 9,3 pour les jeunes de moins de 16 ans, surtout avec les pilules fortement progestatives/androgéniques et peu oestrogéniques (23). La contraception orale diminue significativement le seuil de la douleur mécanique du vestibule (24). Il semble qu’il existe un trouble de l’expression des récepteurs aux oestrogènes dans la muqueuse vestibulaire des patientes souffrant de vestibulodynie provoquée. Ainsi, un essai d’arrêt de la pilule peut être proposé, si la patiente le souhaite.

Divers

Les vestibulodynies ne sont définitivement pas liée à une infection à papillomavirus (25).

Il n’est pas justifié de rechercher ou de traiter une hyperoxalurie (pas de régime pauvre en oxalate) (26)

Les candidoses vulvo-vaginales récidivantes multiplient par 4 le risque de vestibulodynie et les vaginoses à Gardnerella vaginalis par 22.

La notion de violences pendant l’enfance est plus fréquentes chez les patientes souffrant de vulvodynies que chez les témoins : rareté du soutien familial (réconfort, encouragement, amour) X 2,6 ; abus physiques répétés X 4,1 ; abus sexuels X 6,5 (27).

La majorité des cas apparaît dans des relations stables, avec des partenaires compréhensifs, et ne sont pas associés à un nombre élevé de partenaires ou à l’existence d’un nouveau partenaire.

Comment faire en pratique ?

Il est utile de mener un interrogatoire mélangeant questions somatiques et questions psychologiques :

Prenez-vous la pilule ? Utilisez-vous des tampons (50% d’intolérance au cours des vestibulodynies) ?
Avez-vous déjà eu des problèmes gynécologiques? (Candidoses ? Infections à papillomavirus ? Autres ?)
Aviez-vous déjà eu des symptômes vulvaires? Pendant l’enfance?
Etes-vous sujette aux problèmes de peau (eczéma, psoriasis) ?
Souffrez-vous d’autres symptômes? Migraine, lombalgie, syndrome du colon irritable (RR 1,86), D articulaires (fibromyalgies) (RR 2,15), problèmes urologiques (RR 6,15) ? (28)

Prenez-vous des traitements tous les jours? (Souvent antidépresseurs)

L’examen clinique systématique, et renouvelé à chaque consultation, sera méticuleux et analysera toutes les régions vulvaires, afin de ne pas passer à côté d’une étiologie dermatologique ou infectieuses à l’origine des douleurs vulvaires. Effectué à deux mains, il inspectera successivement le pubis, les grandes lèvres, le périnée et la zone péri-anale; Puis en écartant les grandes lèvres il analysera la région clitoridienne, les petites lèvres à l’intérieur desquelles apparaît l’ensemble du vestibule et enfin l’hymen. Devant une suspicion de vestibulodynie provoquée, il est utile de s’aider d’un coton-tige afin de dessiner la topographie exacte des douleurs, qui ne correspond pas toujours à celle décrite par les patientes. L’effleurement du coton-tige (Q-tip test des Anglo-Saxons) s’étendra à toutes les zones vulvaires, en partant de l’extérieur vers l’intérieur et en terminant par les zones « gâchettes » que sont les orifices des glandes de Bartholin, située à 3 heures et 9 heures sur le vestibule. La découverte d’un érythème vestibulaire localisé à l’orifice des glandes de Bartholin n’est pas pathognomonique des vestibulodynies provoquée et existe chez de nombreuses femmes asymptomatiques. Il est important d’expliquer que, si l’examen cutané vulvaire est visuellement normal, il existe néanmoins une douleur au toucher et que cela porte un nom : vulvodynie ou vestibulodynie C’est une maladie. Le fait de porter le diagnostic et de le nommer rassure la patiente.

Il convient ensuite d’expliquer les données actuelles (muqueuse, muscle, douleur centrale) et de reprendre un interrogatoire plus orienté :

Circonstances exactes du déclenchement? Qu’en dit le partenaire? Insomnie?

Ces pathologies sont aggravées par le stress : est-ce votre cas? Le stress est-il la cause ou la conséquence? Comment réagissez-vous face à cette douleur?

Si le stress en est la cause, aviez-vous eu autres d’autres problèmes liés au stress avant? (souvent découverte d’une dépression voire même d’une psychanalyse en cours)

Un programme thérapeutique sera proposé, au sein duquel la patiente choisira ce qu’elle veut (29) :

  • Traitements locaux : de la douleur, d’une infection (candidose) ou dermatose associée, d’une sécheresse vaginale ou vulvaire.
  • Traitements généraux : de la douleur, de candidoses à répétition
  • Kinésithérapie vaginale avec biofeedback
  • Prise en charge psychologique : selon les cas

La suite de la prise en charge sera mise en perspective, expliquée. La patiente sera prévenue que le traitement peut durer plusieurs mois, que l’amélioration sera progressive avec d’éventuelles rechutes, qu’il n’y a pas de tendance à l’amélioration spontanée et qu’il est important d’avoir un suivi régulier.

Les traitements à proposer

Traitements locaux agissant sur la douleur périphérique

  • Anesthésiques locaux : Xylocaïne visqueuse®
    L’application d’une pommade à 5% de lidocaïne tous les soirs pendant 7 semaines a rendu les rapports sexuels possibles chez 76% des patientes (vs 36% avant traitement), avec une baisse de 40 points de la douleur aux rapports (max 100) et de 10 points des douleurs pendant la journée (30).
  • L’oestrogénothérapie vulvo-vaginale est surtout efficace en cas de sécheresse vulvo-vaginale et peut être appliquée à tout âge
  • Les lubrifiants sont souvent indispensables à la reprise des rapports sexuels.
  • Les antimycosiques locaux sont déconseillés en l’absence de preuve formelle de candidose vulvo-vaginale. Les azolés, en particulier, peuvent être irritants à long terme.
  • Les dermocorticoïdes sont inutiles voire dangereux en l’absence de dermatose inflammatoire évolutive diagnostiquée avec certitude.
  • Il faut utiliser peu ou pas de crèmes cosmétiques ou de confort car il existe une intolérance aux topiques fréquente: c’est l’effet nocebo.

Traitements des facteurs aggravants

  • Ré-équilibrer la flore vaginale est souvent utile, même en l’absence de vaginoses avérées.
  • Le traitement anti-infectieux anti C albicans est indispensable en cas d’épisodes fréquents. Le fluconazole (Béagyne®) peut être prescrit soit en cas de crise, soit en une prise par mois, soit en une prise par semaine suivie d’une baisse progressive.
  • Un traitement hormonal substitutif de la ménopause peut être discuté avec le gynécologue traitant

Kinésithérapie vaginale avec biofeedback

C’est une des clefs du traitement. Elle permet d’agir sur la douleur, sur la tension musculaire locale et générale. Pendant les séances, beaucoup de patientes apprennent leur anatomie, qu’elles ignoraient totalement. La kinésithérapie recentre le traitement sur la vulve tout en représentant l’ébauche d’une prise en charge psychosomatique, une relation de confiance se créant très souvent avec la kinésithérapeute spécialisée.

Lors d’une étude sur 29 patientes, en 6 mois, 69% ont repris les rapports sexuels, 90% avaient des douleurs négligeable ou légère aux rapports et seulement 5 n’ont eu aucun effet (31). Une autre étude menée chez 35 femmes a montré en 16 mois, une amélioration complète ou importante de la douleur dans 51,4% des cas et modérée dans 20% des cas, ainsi qu’une augmentation significative de la fréquence des rapports et du désir sexuel (32). La comparaison randomisée de la kinésithérapie vaginale et de l’application de lidocaïne topique durant 4 mois, avec évaluation à 12 mois a montré une amélioration similaire du seuil de la douleur à la pression du vestibule, de la qualité de vie des patientes et de leur fonction sexuelle. L’association des deux pourrait potentialiser les résultats (33). L’ostéopathie peut également apporter un soulagement.

Traitements de la douleur centrale

  • Les antidépresseurs tricycliques sont les plus utilisés, et en particulier l’amytriptiline (Laroxyl®, Elavil®) : Lors d’une étude contrôlée, 59% d’améliorations >50% ont été observées vs 38% sans antidépresseur avec un suivi 3,2 mois (34). Les doses varient selon les études. En pratique, le Laroxyl® est prescrit sous formes de quelques gouttes à prendre le soir, avec une ascension très progressive de 3 à 12 gouttes voire davantage, sur une durée de plusieurs mois.
  • Les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine sont indiqués en cas de dépression avérée (duloxétine : Cymbalta®, venlafaxine : Effexor®).
  • Le clonazepam (Rivotril®), représente une alternative à l’amytriptiline en cas de forte anxiété et de recherche d’un effet myorelaxant rapide. La posologie est similaire à celle de l’amytriptiline.
  • La Gapapentine (Neurontin®) et la préglabradine (Lyrica®) sont très efficaces sur les douleurs neurogènes mais les fréquents effets secondaires à type de somnolence, vertiges et oedèmes périphériques en limitent les indications. Au cours des vulvodynies généralisées spontanées, des taux de 64% de résolutions des symptômes >80% ont été observés avec la gabapentine (35). Le dosage est augmenté très progressivement de 50 mg à 300 mg/jour voire plus dans certaines études. Les avantages de la préglabradine sont une action plus rapide, un effet anxiolytique et une prise biquotidienne.

Proposer un abord psychothérapeutique

Ceci n’est pas toujours difficile, d’autant que beaucoup de ces patientes consultent déjà un psychothérapeuthe. Si cela n’est pas le cas, il est utile d’avoir un correspondant référent qui oriente vers une psychothérapie classique, une psychothérapie analytique, de la relaxation voire de l’hypnose.

La prise en charge par un sexologue représente une alternative à discuter avec la patiente.

Place de la chirurgie?

Elle est limitée : incisions radiaires pour fissures hyménéales, traitement d’une bride postérieure. En France, la vestibulectomie avec vulvopérinéoplastie est très peu pratiquée. Dans la littérature, les taux de réponses complètes ou partielles varient de 61 à 94% (36). Cependant, ces bons résultats apparents sont difficiles à interpréter : Les techniques chirurgicales sont variables (vestibulectomie de l’hymen postérieur, du vestibule antérieur ou postérieur, périnéoplastie de Woodruff ou vestibulectomie modifiée de la fourchette postérieure) ; Les complications ne sont pas rares : 15% des saignements, infection ou sténose ; 42% de vaginisme postopératoire, 39% de complications à long terme avec manque de lubrification. Les facteurs prédictifs d’échec sont l’existence d’une dyspareunie primaire (RR X 4,97) et de douleurs spontanées associées à la dyspareunie (RR X 5,83) (37). En 2001, une étude randomisée avait comparé thérapie comportementale cognitive, biofeedback et vestibulectomie chez 78 patientes. A 6 mois, les résultats avaient été identiques avec amélioration significative de la douleur, de l’état psychologique et de la fonction sexuelle (38). Chez 51 d’entre elles suivies pendant 2,5 année supplémentaires, la douleur avait encore baissé significativement au cours du temps dans les 3 groupes et le fonction sexuelle s’était maintenue(39). Ainsi, la chirurgie n’est certainement pas une solution de première intention des vestibulodynies provoquées. Dans tous les cas, elle sera toujours précédée et suivie de plusieurs séances de kinésithérapie locale.

Conclusion

Lors des consultations de pathologie vulvaire, les vestibulodynies provoquées sont très fréquentes. La nature et l’histoire des symptômes sont deux éléments clefs à déterminer, ainsi que le cortège d’hypothèses diagnostiques et de traitement effectués au préalable. Le suivi thérapeutique régulier comportera toujours un aspect somatique (avec examen clinique à chaque consultation, kinésithérapie vaginale dans la grande majorité des cas) et un aspect psychologique, en relation avec les autres praticiens impliqués dans la prise en charge (gynécologue, psychiatre, sexologue …). En plusieurs mois, on note alors des améliorations >50% dans la majorité des cas. Le taux de succès a même atteint 79% (guérison ou forte amélioration) chez 24 patientes atteintes de vestibulodynies provoquées et traitées pendant 6 mois par l’association de kinésithérapie locale ( moyenne de 15 séances de désensibilisation muqueuse + rétablissement du plancher pelvien) et de séances de sexo-psychothérapie ( moyenne de 12 séances associant abords psychologique, sexologique et gestion du stress) (40). Cependant, l’évolution à long terme des symptômes reste imprévisible, certaines patientes se satisfaisant d’une simple atténuation des brûlures et ne souhaitant pas poursuivre le traitement.


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