Les vulvodynies: conduite à tenir en 2012 / 2012 Vulvodynia Management

Dr Clarence de Belilovsky, Paris, France

Résumé

Les vulvodynies provoquées représentent la première cause de dyspareunie avant la ménopause. Les brûlures ou douleurs ressenties au cours des vulvodynies correspondent à une douleur neurogène à laquelle s’ajoutent selon les cas une hypersensibilité de la muqueuse vulvaire (le plus souvent vestibulaire), un dysfonctionnement des muscles périnéaux, un trouble de la perception générale de la douleur et/ou un syndrome douloureux  associé tel que fibromyalgie, glossodynie, cystite interstitielle …Les infections vaginales telles que candidoses et vaginoses représentent des facteurs de risque importants. Les patientes sont souvent décrites comme vulnérables, pessimistes, avec un sentiment de culpabilité vis-à-vis de leur partenaire et une tendance à surestimer la douleur ce qui entraîne des réactions catastrophiques et des conduites d’évitement.

Le diagnostic repose sur l’interrogatoire, l’examen clinique (test du coton-tige) et l’élimination d’une infection vaginale. La prise en charge est multidisciplinaire associant des soins locaux (émollients, anesthésiants, hormonothérapie locale si besoin), des séances de kinésithérapie vaginale spécialisées, un traitement médicamenteux de la douleur à l’aide d’antidépresseurs (amitriptyline …) ou d’anticonvulsivants (prégabaline …) et une prise en charge psycho-sexologique.

Mots clés

Vulvodynie, vestibulodynie provoquée

Abstract

Provoked vestibulodynia represents the most frequent cause of dyspareunia before menopause. Vulvodynia’s pain and burning sensations are related to neuropathic pain and associated to various degrees of vulvar mucosal hypersensitivity (mostly in the vestibular area), pelvic floor muscles dysfunction, a disorder of general perception of pain and/or various complex regional pain syndromes such as fibromyalgia, glossodynia, painful bladder syndrome (interstitial cystitis) …Vaginal infections such as candidiasis and vaginosis are important trigger and risk factors. Women suffering from vulvodynia are often described as vulnerable, pessimistic, developing feelings of guilt towards their partner. They tend to be hyper vigilant to their pain and develop catastrophizing reactions and avoidance/escape behaviors.

Diagnosis is based on medical history, clinical examination (Q tip test) and exclusion of vaginitis. Treatment consists of a multidisciplinary approach involving topical therapies (emollients, anesthetics, hormonotherapy if necessary), pelvic floor physiotherapy with electromyographic biofeedback, drug treatment of pain with antidepressants (amitriptyline…) or anticonvulsants (pregabaline…) and a psychosexual support.

Keywords

Vulvodynia, provoked vestibulodynia

Introduction


Examen vulvaire normal. L’érythème localise à l’orifice des glandes de Bartholin n’a pas de signification pathologique. En revanche, c’est là que la douleur au toucher est maximale. Le diagnostic de vulvodynie peut être posé.

La définition des vulvodynies, selon l’ISSVD 1983 (International Society for the Study of Vulvar Disease), est la suivante : Inconfort vulvaire, le plus souvent décrit comme des brûlures, apparaissant en l’absence d’affection vulvaire visible ou de désordre neurologique spécifique.

On distingue aujourd’hui les formes généralisées ou localisées, les formes provoquées par le toucher ou spontanées.  Le terme de vestibulite a été abandonné car il renvoyait à une pathologie inflammatoire, ce qui n’est pas le cas.  La symptomatologie correspond à une vulvodynie localisée provoquée (ou vestibulodynie provoquée).  De multiples études ont montré que les trois critères de Friedrich pour la vestibulite (érythème localisé à l’orifice des glandes de Bartholin, douleur déclenchée par le toucher d’un coton-tige, douleur reproduite lors des frottements) n’étaient pas capables d’isoler une entité particulière et que les vulvodynies représentaient un continuum clinique. Reconnaître et nommer l’affection est le premier pas dans la prise en charge thérapeutique, quel que soit le terme employé.

La dyspareunie correspond à un rapport sexuel douloureux, le plus souvent lors de la pénétration : on parle alors de dyspareunie orificielle ou superficielle.  Elle peut s’accompagner d’un vaginisme : Contracture involontaire et douloureuse des muscles de la région vaginale. Les vestibulodynies provoquées (VDP) représentent la cause la plus fréquent de dyspareunie chez les femmes de moins de  50 ans. Dans 20% des cas, il s’agit d’une dyspareunie primaire, ce qui représente un facteur de gravité.

Reconnaître les vestibulodynies

Environ 8% des femmes souffrent de vulvodynie, mais seule la moitié recherche un traitement et la plupart ne pas été diagnostiquées (3%) [1]. L’incidence annuelle est d’environ 1,8%. Les dyspareunies affectent 8 à 22% des femmes à un moment au cours de leur vie.

Les vestibulodynies commencent tôt : Plus de 50% débutent avant l’âge de 25 ans, et 75% avant 35 ans [2]. Le délai moyen entre le début de la douleur et le diagnostic est de 5,3 + 6,8 ans (de 0 à 29 ans). Or les patientes pensent que le retard au diagnostic a contribué à la sévérité de leurs symptômes. Porter un diagnostic est la première étape dans l’acceptation d’une affection chronique ainsi que le premier pas dans le processus thérapeutique

Les symptômes au cours des vestibulodynies sont essentiellement à type de douleur 70%, de brûlures 64%, de dyspareunie 58% et de picotements 56%.  Le prurit est absent.  A contrario, l’existence d’un prurit doit impérativement orienter vers une pathologie infectieuse ou dermatologique. Tous les symptômes s’aggravent au cours de la journée mais disparaissent la nuit.  La douleur est souvent vécue comme très intense : 10% scores 6-7, 18% score 8 et 28% score maximal de 10 (échelle de la douleur de 0 à 10). La douleur est aggravée par les rapports sexuels (90%), le toucher par le partenaire (55%), les vêtements serrés (55%), la bicyclette (40%), la position assise (28%), la toilette (30%) et le port de tampons (40%). Cette intolérance aux tampons est importante à rechercher de même que les antécédents de douleur à l’application du premier tampon qui sont 2,5 fois plus fréquentes chez les patientes [3].

Avant de porter le diagnostic de vestibulodynie, il convient d’éliminer les causes de brûlures vulvaires ou de dyspareunie comportant des anomalies visibles à l’examen clinique vulvaire : Candidoses, dermatoses vulvaires [4] (lichen scléreux, psoriasis, dermite de contact, lichénification, lichen plan, vulvite de Zoon), bride mécanique postérieure…Ainsi, dans une étude incluant 201 patientes suspectes de vulvodynies, le diagnostic lors d’une consultation spécialisée n’a été confirmé que pour 58% des patientes. Les symptômes orientant vers une vulvodynie étaient les brûlures et la dyspareunie.  A l’inverse, un prurit ou une tendance aux fissures vulvaires orientaient vers d’autres diagnostiques [5]. Une biopsie vulvaire est parfois indispensable pour établir le diagnostic (découverte de 61% de dermatoses chez des patientes suivies pour « vulvodynies réfractaires ») [6].

Le principal problème diagnostique est l’absence de critère objectif.

Quels sont les mécanismes?


Brûlures vulvo-vaginales et dyspareunie récentes : découverte d’un lichen scléreux débutant

Pour la douleur elle-même, il  existe deux hypothèses qu’il convient  de ne pas opposer.

L’hypothèse neuropathique avance que la pathologie neuropathique périphérique est initiale.  Il se produit alors un  processus central de la douleur qui l’amplifie et qui provoque des problèmes psychologiques et sexuels. Dans l’hypothèse psychosexuelle, ce sont les anomalies psychologiques ou sexuelles qui sont préexistantes, qui subissent un processus central et provoquent allodynie et hyperalgie.

Il est également possible de modéliser les douleurs des vestibulodynies comme des anomalies de 3  systèmes indépendants : La muqueuse vestibulaire, les muscles du plancher pelvien et la régulation de la douleur par le système nerveux central [7]. Ce modèle explique en partie le fait que les vestibulodynies appartiennent à la même famille que les migraines, les fibromyalgie (risque relatif  2,15 à 3,8), le syndrome du colon irritable (RR 1,86 à 3,1), les douleurs temporo-mandibulaires (78%) et les cystites interstitielles (RR 6,15), pathologies au cours desquelles on rencontre également des dysrégulations muqueuses, musculaires et de la douleur [8]. Plus nombreux sont ces syndromes douloureux associés à la vulvodynie, plus mauvais est le pronostic. A l’IRM cérébrale, une étude a montré que les zones activées étaient les-mêmes dans tous ces syndromes douloureux, et différentes de celles activées au cours des douleurs inflammatoires.

Ce modèle dessine également des pistes pour les axes thérapeutiques.

-Muqueuse vestibulaire?

Histologiquement au sein des zones vestibulaires douloureuses, il existe un certain degré d’inflammation (élévation des médiateurs inflammatoires IL1b et du TNFα dans l’hymen) [9], une prolifération des nerfs périphériques provoquant à leur tour une inflammation neurogène. La densité des nerfs vestibulaires est plus élevée chez les patientes avec vestibulodynie provoquée que chez les contrôles [10], et chez les patientes avec une forme primaire qu’au cours des formes secondaires [11].  On note également une augmentation des facteurs sériques de prolifération neurogène (Nerve Growth Factor-NGF) chez les patientes après stimulation par Candida Albicans.

[12]. Il avait déjà été démontré auparavant que l’hypersensibilité au C albicans s’exprimait seulement dans les zones de forte densité des nerfs périphériques [13].

Ainsi, les vestibulodynies provoquées pourraient correspondre à une inflammation régionale, à une sensibilité particulière aux mycoses, au stress, sur un terrain génétique prédisposant.


Brûlures vulvo-vaginales à répétition. Sécheresse vulvaire associée à un érythème vestibulaire. Le prélèvement myco-bactériologique vaginal systématique a révélé la présence d’une Candidose à C glabrata.

-Trouble musculaire?

Selon les études, on retrouve une hypertonie vaginale avec manque de force des muscles vaginaux et restriction de l’ouverture vaginale [14] ou un tonus musculaire intermédiaire entre normalité et vaginisme et des muscles pelviens très réactifs aux stimuli émotionnels [15]. Ceci explique, en partie, l’impact très positif de la kinésithérapie vaginale

-Trouble généralisé de la perception douloureuse?

Les vestibulodynies représentent un syndrome douloureux chronique avec participations variables des mécanismes centraux et périphériques. Il a été récemment découvert une élévation quantitative des récepteurs à la douleur (récepteurs vanilloides VR-1) dans le vestibule de patientes souffrant de vulvodynie [16]. Le processus de sensibilisation centrale de la douleur pourrait faire intervenir le système limbique (cortex angulaire antérieur, hippocampe), lequel est mis en jeu au cours des douleurs chroniques et affectives et se traduit par une hyperalgie avec allodynie [17].

Il existe au cours des vestibulodynies un trouble généralisé et non localisé de la sensibilité douloureuse avec baisse du seuil à la pression et la douleur non seulement vulvaire mais aussi sur l’épaule (muscle deltoïde), le pouce et le menton [18]. Les patientes atteintes de vestibulodynie présentent une élévation significative du nombre de points douloureux, de l’intensité de la douleur et de l’anxiété induite par la douleur [19]. Par ailleurs, seule la douleur provoquée par les rapports sexuels provoque une détresse et des pensées catastrophiques [20]. Ainsi, la vestibulodynie pourrait refléter un processus pathologique spécifique du vestibule, surimposé à une hypersensibilité systémique aux stimuli tactiles et douloureux. Lors de la prise en charge, il est indispensable de considérer à la fois les processus centraux et périphériques de la douleur et de proposer des traitements spécifiques pour chacun : médicaments psychotropes contre l’hypervigilance centrale et anesthésiants locaux et/ou kinésithérapie contre le dysfonctionnement des muscles pelviens.

-Facteurs génétiques?

32% des patientes avec vestibulodynie au toucher ont un membre de leur famille avec dyspareunie ou intolérance aux tampons. Ceci pourrait s’expliquer par une médiation génétique de la sensibilité douloureuse via le gène MCR1.

-Participation psychologique ?

Les patientes atteintes de vestibulodynies ont une personnalité précautionneuse, attentive, insécurisée, pessimiste, vulnérable dans leurs relations intimes [21]. Elles se considèrent comme inadéquates, ne pouvant satisfaire la sexualité de leur partenaire, ce qui provoque chez elles honte, culpabilité et conflit entre romantisme et sexualité [22]. Ces patientes ont une surestimation de la douleur et du risque de douleur potentielle, une hypervigilance vis-à-vis des douleurs lors des rapports sexuels, et, en cas de douleur, elles ont plus de conduites d’évitement que les sujets contrôles et de réactions catastrophiques.  Il semble donc nécessaire de traiter l’anxiété et la peur de la douleur en plus de la douleur elle-même [23]. En cas de dépression associée, celle-ci précède plus souvent qu’elle ne suit le début des vulvodynies : 62,5% des cas [24]. Il a été montré récemment que des antécédents de dépression ou de trouble anxieux multipliaient par 4 la fréquence des vulvodynies et que, par ailleurs, les vulvodynies augmentaient le risque de développement ou de rechute de tels épisodes [25].  Ainsi, les vestibulodynies pourraient représenter un trouble de la perception douloureuse influencée par des facteurs cognitifs et affectifs [26].

-Rôle de la pilule?

Il est controversé. Pour ceratines, un risque relatif  de vestibulodynie provoquée de 6,6 en cas de prise de pilule et de 9,3 pour les jeunes de moins de 16 ans, est retrouvé, surtout avec les pilules fortement progestatives/androgéniques et peu oestrogéniques [27] et la contraception orale diminue significativement le seuil de la douleur mécanique du vestibule  [28]. Pour d’autres, les pilules combinées faiblement dosées (20γ EE) n’auraient aucune incidence [29].

-Rôle du partenaire ?

La vie avec un partenaire romantique diminue la douleur alors qu’un partenaire très sollicitant a tendance à l’augmenter [30]

-Divers

Les vestibulodynies ne sont définitivement pas liée à une infection à papillomavirus [31].

Il n’est pas justifié de rechercher ou de traiter une hyperoxalurie (pas de régime pauvre en oxalate) [32].

Les candidoses vulvo-vaginales récidivantes multiplient par 4 le risque de vestibulodynie et les vaginoses à Gardnerella vaginalis par 22.

La notion de violences pendant l’enfance est plus fréquentes chez les patientes souffrant de vulvodynies que chez les contrôles : rareté soutien familial (réconfort, encouragement, amour) X 2,6 ; abus physiques répétés X 4,1 ; abus sexuels X 6,5 [33].

L’examen clinique


Dyspareunie isolée depuis plusieurs mois. L’examen clinique effectué peu de temps après un rapport sexuel a retrouvé la présence de fissures hyménéales siégeant horizontalement de part et d’autre du vestibule. D’origine mécanique, ces fissures disparaissent après kinésithérapie associée éventuellement à une chirurgie.

Il est systématique, et renouvelé à chaque consultation. Effectué à deux mains, il inspectera successivement le pubis, les grandes lèvres, le périnée et la zone péri-anale; Puis en écartant les grandes lèvres il analysera la région clitoridienne, les petites lèvres à l’intérieur desquelles  apparaît l’ensemble du vestibule et enfin l’hymen.  Devant une suspicion de vestibulodynie provoquée, il est utile de s’aider d’un coton-tige (Q-tip test des Anglo-Saxons) en touchant doucement toutes les zones vulvaires, partant de l’extérieur et terminant par les zones « gâchettes » que sont les orifices des glandes de Bartholin, située à 3 heures et 9 heures sur le vestibule. La découverte d’un érythème vestibulaire localisé à l’orifice des glandes de Bartholin n’est pas pathognomonique des vestibulodynies provoquée et existe chez de nombreuses femmes asymptomatiques. Il est important d’expliquer que, si l’examen cutané vulvaire est visuellement normal, il existe néanmoins une douleur au toucher et que cela porte un nom : vulvodynie ou vestibulodynie C’est une maladie. Le fait de porter le diagnostic et de le nommer rassure la patiente.

Le programme thérapeutique

Il sera proposé, au sein duquel la patiente choisira ce qu’elle veut [34] :

  • Traitements locaux : de la douleur, d’une infection (candidose) ou dermatose associée, d’une sécheresse vaginale ou vulvaire.
  • Traitements généraux : de la douleur, de candidoses à répétition
  • Kinésithérapie vaginale avec biofeedback
  • Prise en charge psychologique : selon les cas

La suite de la prise en charge sera mise en perspective,  expliquée.  La patiente sera prévenue que le traitement peut durer plusieurs mois, que l’amélioration sera progressive avec d’éventuelles rechutes, qu’il n’y a pas de tendance à l’amélioration spontanée et qu’il est important d’avoir un suivi régulier.

Traitements locaux agissant sur la douleur périphérique

  • Anesthésiques locaux : Xylocaïne visqueuse®

L’application d’une pommade à 5% de lidocaïne tous les soirs pendant 7 semaines a rendu les rapports sexuels possibles chez 76% des patientes (vs 36% avant traitement), avec une baisse de 40 points de la douleur aux rapports (max 100) et de 10 points des douleurs pendant la journée [35].

  • L’oestrogénothérapie vulvo-vaginale est surtout efficace en cas de sécheresse vulvo-vaginale et peut être appliquée à tout âge
  • Les lubrifiants sont souvent indispensables à la reprise des rapports sexuels.
  • Les antimycosiques locaux sont déconseillés en l’absence de preuve formelle de candidose vulvo-vaginale.
  • Les dermocorticoïdes sont inutiles voire dangereux en l’absence de dermatose inflammatoire évolutive diagnostiquée avec certitude.
  • Il faut utiliser peu ou pas de crèmes cosmétiques ou de confort car il existe une intolérance aux topiques fréquente: c’est l’effet nocebo.

Traitements des facteurs aggravants

  • Ré-équilibrer la flore vaginale est souvent utile, même en l’absence de vaginoses avérées.
  • Le traitement anti-infectieux anti C albicans est indispensable en cas d’épisodes fréquents. Le fluconazole (Béagyne®) peut être prescrit soit en cas de crise, soit en une prise par mois, soit en une prise par semaine suivie d’une baisse progressive.
  • Un traitement hormonal substitutif de la ménopause peut être discuté avec le gynécologue traitant

Kinésithérapie vaginale avec biofeedback

C’est une des clefs du traitement.  Elle permet d’agir sur la douleur, sur la tension musculaire locale et générale.  Elle doit être pratiquée par des kinésithérapeutes spécialisés qui utilisent des techniques manuelles. Pendant les séances, beaucoup de patientes apprennent leur anatomie, qu’elles ignoraient totalement.

Lors d’une étude sur 29 patientes, en 6 mois, 69% ont repris les rapports sexuels, 90% avaient des douleurs négligeable ou légère aux rapports et seulement 5 n’ont eu aucun effet  [36]. Une autre étude menée chez 35 femmes a montré en 16 mois, une amélioration complète ou importante de la douleur dans 51,4% des cas et modérée dans 20% des cas, ainsi qu’une augmentation significative de la fréquence des rapports et du désir sexuel [37].  La comparaison randomisée de la kinésithérapie vaginale et de l’application de lidocaïne topique durant 4 mois, avec évaluation à 12 mois a montré une amélioration similaire du seuil de la douleur à la pression du vestibule, de la qualité de vie des patientes et de leur fonction sexuelle.  L’association des deux pourrait potentialiser les résultats [38]. L’ostéopathie peut également apporter un soulagement.

Traitements de la douleur centrale

  • Les antidépresseurs tricycliques sont les plus utilisés, et en particulier l’amitriptyline (Laroxyl®, Elavil®) : Lors d’une étude contrôlée, 59% d’améliorations >50% ont été observées vs 38% sans antidépresseur avec un suivi 3,2 mois [39]. Les doses varient selon les études.  En pratique, le Laroxyl® est prescrit sous formes de quelques gouttes à prendre le soir, avec une ascension très progressive de 3 à 12 gouttes voire davantage, sur une durée de plusieurs mois.
  • Les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine sont indiqués en cas de dépression avérée (duloxétine : Cymbalta®, venlafaxine : Effexor®).
  • Le clonazepam (Rivotril®), représente une alternative à l’amitriptyline en cas de forte anxiété et de recherche d’un effet myorelaxant rapide.  La posologie est similaire à celle de l’amitriptyline.  Sa prescription initiale est aujourd’hui réservée aux neurologues.
  • La Gapapentine (Neurontin®) et la prégabaline (Lyrica®) sont très efficaces sur les douleurs neurogènes maisavec une tolérance variable. Au cours des vulvodynies généralisées spontanées, des taux de 64% de résolutions des symptômes >80% ont été observés avec la gabapentine [40]. Le dosage est augmenté très progressivement de 50 mg à 300 mg/jour voire plus dans certaines études. Les avantages de la préglabradine sont une action plus rapide, un effet anxiolytique et une prise biquotidienne.

Proposer un abord psychothérapeutique

Ceci n’est pas toujours difficile, d’autant que beaucoup de ces patientes consultent déjà un psychothérapeuthe. La prise en charge par un sexologue représente une alternative à discuter avec la patiente.

Place de la chirurgie?

Elle est limitée : incisions radiaires pour fissures hyménéales, traitement d’une bride postérieure.  En France, la vestibulectomie avec vulvopérinéoplastie est très peu pratiquée. Dans la littérature, les taux de réponses complètes ou partielles varient de 61 à 94% [41]. Cependant, ces bons résultats apparents sont difficiles à interpréter : Les techniques chirurgicales sont variables (vestibulectomie de l’hymen postérieur, du vestibule antérieur ou postérieur, périnéoplastie de Woodruff ou vestibulectomie modifiée de la fourchette postérieure) ; Les complications ne sont pas rares : 15% des saignements, infection ou sténose ; 42% de vaginisme postopératoire, 39% de complications à long terme avec manque de lubrification. Les facteurs prédictifs d’échec sont l’existence d’une dyspareunie primaire (RR X 4,97) et de douleurs spontanées associées à la dyspareunie (RR X 5,83) [42]. En 2001, une étude randomisée avait comparé thérapie comportementale cognitive,  biofeedback et vestibulectomie chez 78 patientes. A 6 mois, les résultats avaient été identiques avec amélioration significative de la douleur, de l’état psychologique et de la fonction sexuelle [43].  Chez 51 d’entre elles suivies pendant 2,5 années supplémentaires, la douleur avait encore baissé significativement au cours du temps dans les 3 groupes et la fonction sexuelle s’était maintenue [44]. Ainsi, la chirurgie n’est certainement pas une solution de première intention des vestibulodynies provoquées. Dans tous les cas, elle sera toujours précédée et suivie de plusieurs séances de kinésithérapie locale.

Conclusion


Psoriasis. Erythème bien limité, prurigineux, non suintant, sans perte vaginale, avec fissures interlabiales douloureuses responsables de dyspareunie.

Lors des consultations de pathologie vulvaire, les vestibulodynies provoquées sont très fréquentes.  La nature et l’histoire des symptômes sont deux éléments clefs à déterminer, ainsi que le cortège d’hypothèses diagnostiques et de traitement effectués au préalable. Le suivi thérapeutique régulier comportera toujours un aspect somatique (avec examen clinique à chaque consultation, kinésithérapie vaginale dans la grande majorité des cas) et un aspect psychologique, en relation avec les autres praticiens impliqués dans la prise en charge (gynécologue, psychiatre, sexologue …).  En plusieurs mois, on note alors des améliorations >50% dans la majorité des cas.  Le taux de succès a même atteint 79% (guérison ou  forte amélioration) chez 24 patientes atteintes de vestibulodynies provoquées et traitées pendant 6 mois par l’association de kinésithérapie locale ( moyenne de 15 séances de désensibilisation muqueuse + rétablissement du plancher pelvien) et de séances de sexo-psychothérapie ( moyenne de 12 séances associant abords psychologique, sexologique et gestion du stress) [45]. Les résultats de ces approches multidisciplinaires (gynécologue, séances d’éducation et d’information, soins locaux, kinésithérapie, sexo/psychothérapie si besoin) sont durables : Réduction de la douleur et reprise des rapports sexuels chez 80% des patientes 3 à 7 ans après l’arrêt de la prise en charge [46].

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