Éjaculation prématurée : dernière mise au point de l’ISSM

Analyse par Carol Burte, Cannes, France.

D’après Sanley E., Althof, Cris G McMahon, Marcel D. Waldinger, et al. An Update of The International Society of Sexual Medecine’s Guidelines for the Diagnosis and Treatment of Premature Ejaculation (PE). J Sex Med 2014 ; 11 1392-1422.

En 2009, l’ISSM a réuni un panel d’experts pour développer des recommandations dans la prise en charge des patients souffrant d’éjaculation prématurée primaire. Cette commission fut à la source d’un document faisant le point sur les définitions, l’étiologie, l’impact pour le patient et la partenaire ainsi que les prises en charge : médicamenteuses, psychologiques et combinées. Il concluait sur l’évolution constante de la recherche et recommandait une mise au point tous les 4 ans. En continuité de ces travaux, l’ISSM a organisé en Avril 2013 une deuxième réunion d’experts de 20 membres de disciplines et d’origines différentes dont cet article reprend les travaux.

Définitions de l’éjaculation prématurée  (EP) :

Jusqu’alors plusieurs définitions de ce trouble ont été données, incluant toutes 2 sous types : éjaculation prématurée primaire ou secondaire. Ces définitions sont critiquables en raison de leur caractère vague, du critère subjectif de ce diagnostic ainsi que de l’absence de preuve scientifique. Néanmoins, elles partageaient 3 facteurs communs : un temps de latence de l’éjaculation court, l’absence de capacité à différer ou à contrôler, et la détresse personnelle et relationnelle que cela engendre. En 2007, puis 2013, l’ISSM a réuni des experts chargés de développer une nouvelle définition construite sur des critères scientifiques plus clairs. La définition proposée est la suivante :

  • Éjaculation qui survient toujours ou presque toujours avant ou dans la minute suivant la pénétration, et ce depuis la première expérience sexuelle (EP primaire) ou bien une diminution cliniquement significative du   temps de latence, autour de 3 mn ou moins (EP secondaire)
  • Incapacité à retarder l’éjaculation lors de toutes ou presque toutes les pénétrations vaginales.
  • Conséquences personnelles négatives telles que le stress, la gêne, la frustration et/ou l’évitement de l’intimité sexuelle.

La définition se réfère uniquement  à la pénétration vaginale, car les experts ont conclu à l’absence de données fiables sur la masturbation, le sexe oral ou la pénétration anale.

Le DSM 5, édité en 2013, reprend cette définition et spécifie des sous types : vie entière ou acquis, généralisé ou situationnel, ainsi que l’importance de la sévérité.

L’éjaculation ante portas, cette éjaculation survenant avant même la pénétration, est considérée comme la forme la plus sévère d’ EP.

Le comité reconnaît que certains hommes s’auto diagnostiquant EP et en demande d’aide, ne répondent pas à tous les critères. On peut considérer qu’il s’agit de sous types concernant des hommes stressés par leur fonction éjaculatoire mais ne répondant pas à tous les critères : on parle d’éjaculation prématurée variable ou d’éjaculation prématurée subjective. Ceci n’est pas considéré comme une dysfonction sexuelle mais comme une variation de la normale. L’éjaculation prématurée subjective est définie par au moins un des  critères suivants : impression subjective d’un temps de latence court, préoccupations sur la durée et le manque de contrôle, temps de latence dans les valeurs normales, peu de capacité à contrôler l’éjaculation et ceci dans un contexte où le trouble ne peut pas être mieux expliqué par un autre trouble mental.

Épidémiologie

Depuis plus de 100 ans, on reconnaît que l’éjaculation prématurée est un problème, néanmoins il est compliqué d’en connaître la prévalence. Ceci est lié en partie aux difficultés à définir clairement ce qu’est une EP, au choix de l’échantillonnage de population interrogée et aux méthodes non standardisées de traitement des données. Par ailleurs, peu d’hommes acceptent de répondre à des questions sur leur vie sexuelle. Certains ont une vraie EP qu’ils n’osent pas avouer par peur de la stigmatisation, alors que d’autres peuvent s’en plaindre car ils pensent pouvoir trouver un bénéfice du fait d’une prise en charge. Enfin, la détresse provoquée par une éjaculation trop rapide est très variable selon les hommes et les cultures.

Les études contrôlées antérieures à 2013 utilisent le DSMIV et définissent l’EP comme la principale dysfonction sexuelle avec une prévalence de l’ordre de 20 à 30% de la population masculine. Ces chiffres sont en débat, tout comme les critères de définition du DSMIV.

Les études actuelles multinationales mettent en évidence un temps de latence éjaculatoire  autour de 5 à 6 minutes  dans la population générale. Si on rajoute le critère du temps tel que défini par l’ISSM et le DSM5, il semble qu’environ  5% des hommes auraient un temps de latence inférieur à 2 mn. La majorité des patients ne consultent pas. Parmi ceux qui recherchent de l’aide, on compte 36 à 63% d’EP primaire et 16 à 18% d’EP secondaire.

Étiologie

Classiquement l’étiologie de l’EP a été pensée au travers des facteurs personnels et relationnels, avec une large part de facteurs liés au stress et aux mauvais conditionnements précoces. Depuis une vingtaine d’années ont été émises des hypothèses organiques  et neurobiologiques en particulier . On a pu ainsi proposer : une hypersensibilité du gland, des troubles  de la neurotransmission, des troubles de l’érection et autres troubles sexuels, des pathologies prostatiques, le sevrage de certaines substances, les douleurs pelviennes chroniques, des troubles thyroïdiens. Aucune de ces hypothèses n’a été confirmée dans de grandes études.

La neurobiologie de l’EP

La sérotonine est le neuromédiateur le plus impliqué dans le contrôle de l’éjaculation et a été étudiée dans de nombreuses études chez l’animal et chez l’homme. Une dysrégulation pourrait concerner 2 à 5 % des hommes se plaignant d’ EP.  La dopamine et l’ocytocine jouent aussi un rôle important dans l’éjaculation, mais il n’y a pas assez d’études à ce sujet.

Certains neurones de la moelle épinière ont été identifiés comme centres spinaux de l’éjaculation chez le rat. Il y a des travaux en cours sur ce sujet chez l’homme visant à mettre en évidence les mêmes résultats.

Facteurs génétiques

En 1943 une étude avait émis l’hypothèse de facteurs génétiques (cas familiaux). Plusieurs études se sont intéressées à ce sujet et on pense actuellement que le facteur génétique pourrait être un facteur de prédisposition à l’EP mais le sujet est controversé.

Populations particulières

Hormones thyroïdiennes : l’hyperthyroïdie a peu être associée à l’EP secondaire  mais il n’y a pas de lien entre hormones thyroïdiennes et EP.

Autres hormones : Des études récentes ont montré que la testostérone et la prolactine jouent un rôle dans la fonction éjaculatoire mais les relations ne sont pas claires. Il semblerait qu’une prolactine basse pourrait être associée à une EP secondaire et une testostérone basse à une éjaculation retardée. Ceci ne peut actuellement pas être considéré comme étiologique

Prostate : 36 à 77 % des hommes souffrant de prostatite chronique présentent une EP. Le mécanisme liant prostatite chronique et EP n’est pas connu. Cependant il est recommandé d’examiner tout patient se plaignant d’une éjaculation douloureuse, mais il n’est pas évident qu’il faille le faire pour tout homme souffrant d’EP.

Dysfonction érectile : Les patients confondent souvent EP et DE (par exemple éjaculation rapide en cas de DE par précipitation ou DE lors d’une tentative de 2ème rapport après éjaculation), les 2 sont parfois associés.  La DE n’est probablement pas une étiologie d’une EP primaire,  mais il y a  des preuves que l’EP secondaire est associée à la DE.

Homosexualité : Les études suggèrent une même prévalence entre les hommes homosexuels et les hétérosuels. Il n’y a cependant pas d’étude chronométrée.

Facteurs psychologiques : Les facteurs psychologiques et interpersonnels peuvent causer ou exagérer une EP tout comme une EP peut entraîner des problèmes psychologiques ou relationnels.

Place de la partenaire et impact de l’EP sur la fonction sexuelle de la partenaire

Inclure la partenaire dans la prise en charge est une chose importante mais non obligatoire. Certains patients ne comprennent pas pourquoi le clinicien veut impliquer la partenaire et certaines partenaires refusent de consulter en couple. Lorsque les partenaires refusent de s’impliquer dans le traitement,  c’est qu’elles peuvent être opposées au changement que cela entraînerait. Les études montrent que l’implication de la partenaire augmente les chances de réussite du traitement et améliore la relation dans le couple. De même on a pu mettre en évidence l’impact négatif de l’EP sur la sexualité de la partenaire menant à des dysfonctions telles que baisse du désir, baisse de l’excitation, diminution du plaisir, troubles de l’orgasme et moindre satisfaction sexuelle. Les troubles sexuels féminins peuvent par ailleurs augmenter le risque d’EP chez le partenaire. Par exemple on a mis en évidence que 50% des partenaires de femmes vaginiques avaient une EP mais on ne peut affirmer que le vaginisme en est la cause.

A la fois les femmes et les hommes décrivent des difficultés interpersonnelles en relation avec l’EP et une moins bonne qualité de vie.

Évaluation de l’éjaculation prématurée

Interrogatoire :

Les patients souhaitent que les cliniciens les interrogent sur leur santé sexuelle. Souvent ils sont trop gênés pour en parler eux mêmes. Leur en parler permet de replacer la santé sexuelle dans le cadre de la santé en général et on sait qu’il y a parfois des associations entre troubles sexuels et santé (par exemple c’est bien démontré dans la DE).

Certaines questions sont recommandées pour le diagnostic : Quel est le temps entre pénétration et éjaculation ? Pouvez-vous retarder l’éjaculation ? Êtes-vous ennuyé ou frustré par votre éjaculation prématurée ?

Certaines questions optionnelles permettent  de préciser les choses : Quand avez-vous eu ce problème la première fois ? Avez-vous ce problème à chaque fois, avec chaque partenaire ? Avez-vous une érection suffisamment rigide pour pénétrer ? Avez-vous des difficultés à maintenir l’érection ? Avez-vous jamais précipité le rapport pour prévenir la chute de l’érection ? Est ce que votre partenaire se plaint ? Est ce qu’elle évite les rapports ? Est-ce que votre relation est affectée par cette EP ? Avez-vous déjà été traité ? Évitez-vous les rapports ? Vous sentez vous anxieux, dépressif ou embarrassé par cette EP ?

Examen clinique :

Pour l’EP primaire, l’examen clinique n’est pas une obligation mais cela peut rassurer certains patients.  Pour l’EP secondaire il est conseillé car cela permet de retrouver des comorbidités,  des facteurs de risque et une indication d’étiologie.

Chronométrage du temps de latence intra vaginal :

Il est très utilisé dans les études cliniques mais n’a pas été recommandé pour la clinique car il est intrusif et certaines études montrent que les patients et leurs partenaires évaluent assez justement le temps de latence.

Questionnaires validés:

Cette approche est assez récente. 5 questionnaires sont en cours de validation.                       Deux questionnaires regroupent le plus de critères pour la validation : The Premature Ejaculation Profile (PEP) et the Index of Premature Ejaculation (IPE). Ces questionnaires ne sont pas recommandés actuellement pour l’utilisation clinique. Ils ne peuvent se substituer à un interrogatoire médical bien mené. [Ces questionnaires sont proposés à la fin de l’article de Fernandes et al.].

Prises en charges psychologiques, comportementales et éducationnelles.

Les interventions psychologiques ont deux buts : développer chez l’homme des habilités à retarder l’éjaculation et résoudre les problèmes psychologiques et interpersonnels qui peuvent avoir entraîné ou maintenu le problème, ou bien encore en être la conséquence.

La psychothérapie intègre les approches psychodynamiques, systémiques, comportementales et cognitives. Ils sont mis en place au niveau individuel ou au niveau du couple. Malheureusement la majorité des études ne sont pas contrôlées, sont menées en aveugle et très peu d’entre elles satisfont aux critères des études basées sur les preuves. Beaucoup ne concernent que de petites cohortes bénéficiant de prises en charge différentes avec peu de suivi. De plus les critères d’inclusion ne satisfont pas tous la définition actuelle de l’ISSM.

La thérapie comportementale la plus utilisée est le stop and go. Toutes ces thérapies visent à apprendre au patient à reconnaître un niveau moyen de son excitation qu’il peut gérer grâce à des exercices de difficulté progressive. Cela amène à une augmentation du temps de latence et une amélioration de la confiance en soi.

2 méta-analyses récentes ont conclu à une faible preuve des résultats des thérapies comportementales.

Le comité continue à penser que la psychothérapie offre aux hommes, aux femmes et aux couples, un bénéfice. Des études futures sont nécessaires.

Programmes en ligne

Récemment s’est développé un programme d’entraînement en ligne pour la dysfonction érectile, basé sur les stratégies de face à face en consultation. Il n’y a pas actuellement d’équivalence pour l’éjaculation prématurée.

Traitements pharmacologiques

Plusieurs sortes de traitements médicamenteux ont été  utilisées pour le traitement de l’EP : l’utilisation de topiques anesthésiants, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRSS), le TRAMADOL, les phosphodiestérases de type V et les alpha bloquants.

L’utilisation de LIDOCAINE, PROCAINE ou BENZOCAINE seules ou en association, dans le but de diminuer la sensibilité du gland, est la plus ancienne utilisation d’agents pharmacologique connue. L’introduction des IRSS (paroxetine, sertraline, fluoxetine, citalopram et tricycliques) a révolutionné le traitement de l’EP.  Ces drogues bloquent la recapture de la sérotonine dans la fente synaptique. On peut utiliser ces drogues hors AMM en prise quotidienne ou dans le cadre de l’AMM pour la dapoxetine, en prise à la demande.

La Dapoxetine

La molécule a reçu l’approbation pour le traitement de l’EP dans 50 pays du monde. C’est un IRRS d’action rapide et de demi vie très courte adaptée à la prise à la demande. Il n’y a pas d’interaction connue notamment avec  les IPDE5. Dans les études randomisées contrôlées contre placébo, la dapoxetine dosée à 30 ou 60 mg et prise 1 à 2 heures avant le rapport sexuel, améliore le temps de latence intra vaginal, le contrôle de l’éjaculation, diminue le stress et augmente la satisfaction, qu’il s’agisse d’une EP primaire ou secondaire. L’efficacité est comparable et la tolérance bonne si on l’associe aux IPDE5 en cas de dysfonction érectile associée. Les effets secondaires retrouvés sont rares et consistent en : nausées, diarrhées, maux de tête et étourdissements. Ils surviennent dans 4% des cas sous dapoxetine dosée à 30 mg et 10 % des cas pour le dosage à 60 mg. Il ne semble pas y avoir d’augmentation du risque suicidaire ou d’idées suicidaires et de syndrome de sevrage à l’arrêt brutal du traitement. Il y a donc un niveau de preuve de grade 1a pour l’indication de la dapoxetine dans la prise en charge de l’EP primaire.

Les IRRS hors AMM

Les IRRS sont utilisés en prise quotidienne. Une méta analyse des résultats publiés suggère que la PAROXETINE serait plus efficace que les autres molécules pour augmenter le temps de latence. La molécule commence à être efficace au bout de 5 à 10 jours mais requiert 2 à 3 semaines pour un plein effet. Les effets secondaires sont mineurs habituellement, et surviennent dans la première semaine, disparaissant au bout de 2 à 3 semaines. Ils consistent en : bâillements, fatigue, nausées, diarrhée ou transpiration excessive. Une diminution de la libido est rapportée de façon anecdotique, ainsi qu’une dysfonction érectile. Les hommes ayant un désir de procréation doivent être informés du risque de diminution de la mobilité des spermatozoïdes et donc éviter de prendre ce traitement ou le prendre de façon discontinue. Ce traitement doit être évité chez les patients ayant des antécédents de troubles bipolaires en raison d’effets neurocognitifs éventuels (agitation, hypomanie). Si le risque suicidaire est légèrement augmenté  avec les IRSS chez des patients jeunes traités pour dépression, ce n’est pas le cas pour des patients non dépressifs. Il faut les prescrire prudemment chez les patients de 18 ans ou moins, en cas de syndrome dépressif associé particulièrement s’il y a des idées noires. Les patients doivent aussi être informés d’éviter un arrêt brutal du traitement en raison d’un éventuel syndrome de sevrage.

L’administration à la demande de CLOMIPRAMINE, PAROXETINE, SERTRALINE ou FLUOXETINE, 3 à 6 heures avant un rapport sexuel est peu efficace mais bien toléré.

Il est à noter que les patients sont souvent réticents à prendre un traitement quotidien ou discontinu à base d’IRSS en dehors de l’AMM. Les raisons données sont qu’ils ne souhaitent pas prendre un traitement anti dépresseur, que le traitement ne sera pas assez efficace et invoquent le coût.

Il y a un niveau d’évidence 1a pour soutenir l’emploi de la PAROXETINE, de la SERTRALINE, du CITALOPRAM, de la FLUOXETINE et de la CLOMIPRAMINE en prise quotidienne ou à la demande,  hors AMM,  pour le traitement de l’EP primaire et secondaire.

Le choix entre un traitement par DAPOXETINE à la demande et IRSS en prise quotidienne sera basé sur l’évaluation clinique et les choix individuels, ceci en fonction de la fréquence des rapports sexuels. Dans certains pays les autorités mettent en garde contre la prescription de molécules en dehors des autorisations officielles, ce qui complique les prises en charge.

Les anesthésiants locaux

L’utilisation de topiques locaux en crème ou en spray est courante et modérément efficace pour augmenter le temps de latence. Des études suggèrent que le fait de diminuer la sensibilité du gland peut inhiber l’arc réflexe spinal de l’éjaculation. Il y a peu de cas rapportés de passage de l’anesthésiant ou d’anorgasmie chez la partenaire.

Il y a un niveau d’évidence 1a pour soutenir l’emploi des topiques anesthésiants locaux à la demande pour le traitement de l’EP primaire.

Les IPDE5 

SILDENAFIL, VARDENAFIL et TADALAFIL sont des traitements efficaces de la dysfonction érectile. La revue systématique de multiples études n’a pas apporté d’évidence forte de l’intérêt de ces molécules dans le traitement de l’EP, sauf chez les hommes ayant aussi une dysfonction érectile. Il n’est pas recommandé de les utiliser chez les patients souffrant d’EP sans dysfonction érectile.

Le Tramadol :

LE TRAMADOL a été étudié comme un potentiel traitement hors AMM. Son principal métabolite, M1,  a une grande affinité pour les récepteurs opioïdes ; Le mode d’action n’est pas complètement élucidé pour ce qui est de retarder l’éjaculation. Il semblerait que le risque de développer une addiction serait moindre qu’avec les autres agonistes opioïdes. Les doses doivent être adaptées en cas d’insuffisance rénale ou hépatique. Plusieurs études ont montré que le TRAMADOL augmentait le temps de latence en prise à la demande ou quotidienne. Au total le TRAMADOL peut être considéré comme un option efficace mais lorsque les autres traitement ont échoué, ceci en raison des effets secondaires et du risque de dépendance. Il ne doit pas être associé aux IRSS. Des études plus approfondies sont souhaitables.

Ocytocine

Des études chez le rat ont montré que l’ocytocine diminuait le temps de latence éjaculatoire. De ce fait, des antagonistes aux récepteurs de l’ocytocine ont été testés, toujours  chez le rat, montrant une  inhibition du comportement sexuel, dont l’éjaculation. Une étude en double aveugle contre placébo  de l’EPELSIBAN (antagoniste sélectif des récepteurs à l’ocytocine) n’a pas montré de différence significative du temps de latence chez des hommes souffrant d’EP. Des études plus approfondies s’avèrent nécessaires.

Cryo ablation et neuro modulation du nerf dorsal de la verge

L’ablation ou la neuro modulation du nerf dorsal, qui la voie principale somato sentitive afférente de la verge, ont été évoquées comme un traitement potentiellement efficace de l’EP.  Des études ont montré leur efficacité pour augmenter le temps de latence mais des études de sécurité sont nécessaires avant de recommander son utilisation.

Injections intra caverneuses

Elles ne sont pas recommandées pour le traitement de l’EP (peu d’études, peu de patients)

Acupuncture

Une étude incluant 90 patients, a comparé la PAROXETINE et l’acupuncture sans mettre en évidence d’intérêt de cette méthode

Tout comme dans la dysfonction érectile, toutes les études montrent une supériorité des prises en charges associant pharmacologie et psychothérapie

Rôle de l’éducation et du coaching

L’éducation (ou coaching)  peut être efficace pour accompagner les patients souffrant d’EP dans les aspects qui ne sont pas traités par les médicaments. Expliquer les données de prévalence peut aider à dissiper les mythes, éduquer peut aider  à ne pas éviter les rapports sexuels, permettre les échanges avec la partenaire, et étendre le répertoire sexuel. Le but est d’aider le patient à faire confiance aux traitements, à limiter l’angoisse de performance et à modifier les scripts sexuels non adaptés.

EP Primaire

Dans ce cas l’éducation psycho sexuelle est recommandée. S’il y a des facteurs psychologiques et relationnels, une prise en charge de couple est indiquée.

EP secondaire

Il est recommandé d’associer approche psychologique et médicale et d’améliorer les causes ou facteurs associés, comme dans la dysfonction érectile.

Rôle du médecin traitant

La collaboration entre un médecin traitant et un spécialiste de santé sexuelle est une excellente manière de prendre en charge ces patients et permet une meilleure compréhension de ce problème par les médecins traitants. Les médecins traitants sont en première ligne de la demande d’aide. Ils sont le premier recours des patients souffrant d’EP et font le suivi au long cours. Lorsqu’ils sont capables de parler de sexualité avec leurs patients et possèdent les connaissances nécessaires, ils peuvent initier la prise en charge. Une bonne communication et un bon partage des rôles entre les cliniciens peuvent améliorer les résultats. Ces recommandations permettent de préciser la place de chacun :

  • Un urologue peut être requis lorsqu’il y a un problème physique génital, une prostatite ou encore des troubles urinaires.
  • Un endocrinologue est utile en cas d’endocrinopathie ou d’ hypogonadisme.
  • Un professionnel de la santé mentale peut être indiqué pour aider à résoudre les difficultés sexuelles ou éduquer le patient et sa partenaire sur les données comportementales ou relationnelles.

Collaborer avec un psychologue ou un spécialiste de santé sexuelle peut être  approprié à chaque temps de la prise en charge. Les facteurs qui déterminent cette collaboration sont : la capacité du médecin à parler de l’EP et à la prendre en charge, l’importance des facteurs psychologiques et sexuels associés et l’efficacité ou échec d’une première prise en charge.

ALLOW  est un algorithme proposé aux médecins traitants dans la prise en charge de l’EP :

  • A (asking) = interroger le patient sur sa vie sexuelle
  • L (legitimising) : rendre légitime l’importance et l’impact potentiel du trouble sexuel
  • L (limitations) : connaître ses limites
  • O (opens) : ouvrir la discussion avec le patient
  • W (work) : travailler ensemble à la prise en charge

Conclusion

EN 2009, l’ISSM a réuni un panel sélectionné d’experts pour mettre en place des recommandations dans la prise en charge de l’éjaculation prématurée primaire. Ce document conclut en reconnaissant l’évolution constante des connaissances et en recommandant une révision tous les 4 ans. Une deuxième réunion d’experts multi disciplinaires a eu lieu en Avril 2013, conduisant à ces 2èmes  recommandations. Les connaissances étant en constante évolution, le comité espère que les recherches futures amèneront à une meilleure connaissance encore de la physiopathologie et des traitements de l’éjaculation prématurée. Ce guide doit donc être ré évalué dans 4 ans.

Finalement il faut garder à l’esprit que l’EP provoque une détresse significative pour le patient, sa partenaire et le couple. Les sexothérapies donnent de très bons résultats dans notre pratique clinique. Elles sont malheureusement mal évaluées. Nous avons à travailler à ce sujet car l’éjaculation prématurée ne se traite pas qu’avec des médicaments, même s’ils peuvent aider à la prise en charge. Nous devons travailler à des recommandations simples pour la prise en charge en première intention par des médecins non sexologues qui incluraient autant les patients en couple que les patients célibataires, en général non évalués dans les publications.