Troubles sexuels chez la femme avec une SEP

Troubles sexuels chez la femme avec une SEP

Maria Carmelita Scheiber-Nogueira

Cabinet de Neurologie et Neuro-Urologie

Lyon

 

Chez l’homme et chez la femme avec une SEP, les difficultés sexuelles peuvent toucher toutes les phases de la sexualité (désir, excitation, plaisir et orgasme) et sont une source fréquente de conflit dans un couple et à l’origine d’une mésentente qui peut être un des facteurs primordiaux d’installation d’un syndrome dépressif pouvant conduire à une séparation (facteur décrit quasi toujours dans les causes de divorce).

L’association des troubles sexuels avec des troubles urinaires est très fréquente et touche souvent plus de trois quarts des patientes. L’association avec des troubles intestinaux touche   la moitié des patientes. Malheureusement, un tiers des patientes va associer les troubles sexuels aux troubles urinaires et ano-rectaux.

Les troubles génito-sexuels sont un facteur majeur de la qualité de vie dans la SEP, indépendamment de facteurs d’ajustement comme le degré de handicap, les déficiences sensorimotrices  ou l’âge.

Les conséquences et le ressenti des troubles génito-sexuels sont variables en fonction du sexe. Ainsi, les hommes sont plus insatisfaits que les femmes et dans l’ordre d’importance des handicaps liés à la SEP, les troubles génito-sexuels sont placés au quatrième rang par les hommes et au dixième rang par les femmes.

Historiquement, la sexualité féminine est toujours passée en 2ème plan et peu d’études ont été publiées sur la sexualité féminine dans les maladies neurologiques. Pourtant, dans une pathologie telle que la SEP, l’apparition des troubles sexuels a un retentissement psychique majeur surtout chez des patientes jeunes qui sont en période de formation et de consolidation d’une vie de couple et à l’âge de procréation. La fréquence des difficultés sexuelles est très importante et selon l’âge et l’évolution de la pathologie, 70 % des patientes peuvent présenter de plaintes sexuelles dans le cadre de la SEP. Le nombre de divorces chez les couples où la femme est atteinte d’une SEP, est beaucoup plus élevé que dans la population générale.

La réponse féminine à la stimulation sexuelle dépend de nombreux facteurs : vasculaires, hormonaux, neurologiques et psychologiques.

Chez la femme, les types de troubles sexuels par ordre décroissant de fréquence

sont :

  • la dysorgasmie
  • les troubles de la libido,
  • les troubles de l’excitation avec diminution de lubrification vaginale,
  • les troubles de la sensibilité vulvovaginale,
  • les paresthésies/dysesthésies périneo-vaginales,
  • la faiblesse ou l’incapacité à contrôler la musculature périnéale
  • les dyspareunies

Ces dernières ont en général une origine plurifactorielle liées à l’association des troubles sensitifs à la perte de la lubrification vaginale et aux douleurs spastiques des organes voisins, aggravées lors des rapports  (hyperactivité vésicale, fécalomes) .

La présence d’une spasticité périnéale  et/ou des  membres inférieurs peut rendre difficile voire impossible  certaines caresses ou positions lors des  rapports. Les difficultés de contrôle musculaire de la région périnéale sont rarement liées uniquement à la SEP car un grand nombre de femmes sans aucune pathologie neurologique méconnaissent le travail de la musculature périnéale. Il est important d’insister sur le fait qu’il n’existe aucune corrélation entre la dégradation de la force musculaire des membres et l’existence d’une faiblesse musculaire de la région génitale.

La SEP n’est pas en cause dans les troubles de la fertilité.

La prise en charge des troubles sexuels de la femme avec une SEP associe des traitements pharmacologiques a une prise en charge sexologique plus globale : une étude a évalué l’efficacité du sildénafil chez 19 femmes présentant des troubles génito-sexuels dans le cadre de la SEP, versus placebo. Le seul résultat significatif  concernait l’amélioration de la lubrification, il n’y avait ni amélioration de la fonction orgasmique, ni amélioration de la qualité de vie.

Des œstrogènes locaux, des lubrifiants ou des gels anesthésiques peuvent être prescrits lorsqu’il existe une sécheresse vaginale, des brulures ou des dyspareunies.

La masturbation et l’utilisation de sex toys peut être proposées aux patientes, afin d’améliorer la lubrification et les capacités à atteindre l’orgasme, même si cela n’a pas été étudié spécifiquement chez les patients neurologiques.

 

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