A propos d’une association entre agressions sexuelles perpétrées par des hommes jeunes et sentiment d’incompétence sexuelle avec angoisse de performance

Analyse par Patrice Cudicio, Rennes, France

de l’article de Carvalho J, Quinta-Gomes A, Nobre PJ. The sexual functioning profile of a nonforensic sample of individuals reporting sexual aggression against women. J Sex Med 2013; 10: 1744-1754

Résumé

 

Introduction: Les délinquants sexuels sont connus pour présenter des dysfonctions sexuelles marquées. Cependant, la plupart des études portant sur le fonctionnement sexuel de délinquants sexuels ont porté  sur des échantillons d’agresseurs sexuels ayant été jugés et ou emprisonnés. Au stade actuel des connaissances, il n’existe qu’un nombre limité d’études portant sur le profil de fonctionnement sexuel d’individus reconnaissant quelle que forme que ce soit de violence sexuelle en dehors de tout contexte judiciaire.

L’objectif

L’objectif de cette étude préliminaire était d’évaluer la fonction sexuelle d’un échantillon  d’agresseurs sexuels (des étudiants) dans le but d’apporter des informations supplémentaires sur la relation qui pouvait exister entre fonctionnement sexuel et violence sexuelle et aussi  de développer des stratégies destinées à prévenir les agressions sexuelles sur le campus.

Méthodes

Cent soixante et un étudiants participèrent à l’échantillonnage. Les étudiants ont été recrutés dans une université portugaise selon des méthodes non aléatoires. Parmi ces étudiants, 35 ont reconnu avoir commis une agression sexuelle envers des femmes. Les mesures ont été recueillies de manière individuelle et anonyme.

Principaux outils d’évaluation: Les participants à l’étude ont répondu à une version modifiée de l’IIEF, aux Echelles d’inhibition et d’excitation sexuelle, à l’Echelle de Conscience de soi, au questionnaire concernant l’activation du schéma cognitif dans un contexte sexuel, et à l’Echelle d’estime de soi.

Résultats

Les résultats ont montré que les étudiants reconnaissant une agression sexuelle envers des femmes présentaient de manière significative plus de difficultés érectiles et orgasmiques, et plus d’inhibitions sexuelles par peur d’une baisse de performance que le groupe témoin. Qui plus est, ces étudiants reconnaissant une agression sexuelle envers des femmes présentaient plus de gêne vis à vis de la sexualité et plus de schémas cognitifs se rapportant à l’impression d’être non désirable et incompétent sexuellement.

Conclusions: Les résultats mettent en avant la possibilité d’une relation entre une violence sexuelle  reconnue par des étudiants  et angoisse de performance. On peut attendre de ces résultats  qu’ils influent sur les modèles conceptuels de l’agression sexuelle perpétrée par des individus en dehors de tout cadre pénal ou judiciaire.

Commentaires

Selon les résultats de cette étude fort intéressante, mais portant sur un nombre limité de sujets, ce qui en réduit un peu la valeur, il semblerait que les délinquants sexuels  soient plus sujets à présenter des difficultés de fonctionnement sexuel: éjaculation prématurée, dysérections, difficultés orgasmiques, etc…

Il aurait été intéressant d’étudier également la situation inverse et de savoir si l’on pouvait retrouver plus de délinquants sexuels chez une population d’hommes présentant un dysfonctionnement sexuel de ce type car, dans cette étude, en regardant de près les chiffres, les  agresseurs sexuels ne présentent pas beaucoup plus de problèmes sexuels, que le groupe témoin ne rapportant pas d’agression. Par ailleurs, on ne peut mettre sur le même plan une éjaculation prématurée, une dysérection ou une absence d’orgasme, même si l’anxiété joue un rôle dans les différents cas. Ce sont des troubles très différents qui ne mettent pas en jeu les mêmes processus physio ou psychopathologiques.

On peut se poser également la question de savoir si ce n’est pas plutôt à une anxiété généralisée trouvant son origine dans une problématique narcissique que l’on peut attribuer la responsabilité de l’ensemble des problèmes sexuels et relationnels évoqués dans l’article. Le délinquant sexuel a le plus souvent une relation objectale à l’autre, incapable d’introjecter le vécu de sa partenaire. Celle-ci devient objet de consommation servant le plus souvent à satisfaire ses besoins primaires. Le processus psychologique responsable d’un viol ne semble pas très éloigné de celui qui détermine le vol! La problématique sexuelle ne peut donc être un critère à elle seule dans ce type de comportement délictuel. La sexualité ne peut s’envisager de manière individuelle, mais toujours dans le cadre de la relation à l’autre.

Enfin, il existe, et ce quelque soit l’étude, quand il s’agit de sexualité, un biais important qui est la sincérité des réponses; et si on ne peut pas trop douter des réponses des personnes reconnaissant leur agressivité sexuelle, il semble difficile d’être certain du groupe témoin.

Cette étude a au moins le mérite d’avoir été réalisée et doit contribuer à permettre de comprendre ce qui peut, en dehors de sa testostérone, faire d’un homme un violeur.