Les opioïdes sont largement prescrits de par le monde, leurs effets secondaires sont maintenant mieux connus et leur prescription de mieux en mieux encadrée. Ils peuvent être responsables de déficit en androgènes, ces effets secondaires restent sous-estimés par les cliniciens, car les données montrent que 76 % des médecins généralistes et même 30 % des endocrinologues ne les connaissent pas. Une revue de la littérature récente a permis de faire le point sur cet effet secondaire.
La référence originale est « Kafel H, Braga-Basaria M, Basaria S. Opioid-induced androgen deficiency in men: Prevalence, pathophysiology, and efficacy of testosterone therapy.
Andrology. 2025 Feb 21 ».
Déficit en androgènes induit par les opioïdes chez l’homme : prévalence, pathophysiologie et efficacité de la thérapie à la testostérone.
Résumé
Contexte : les analgésiques opioïdes sont fréquemment prescrits pour le traitement de la douleur chronique et sont une cause fréquente de déficit androgénique chez l’homme. Malgré sa forte prévalence, cet effet indésirable de l’utilisation chronique d’opioïdes reste sous-estimé par les cliniciens. Par conséquent, le déficit androgénique reste sous-diagnostiqué et probablement sous-traité. Cette revue de la littérature est ciblée sur le déficit androgénique induit par les opioïdes et l’efficacité du traitement du traitement par la testostérone, en mettant l’accent sur ses effets antinociceptifs.
Méthodes : les articles originaux et de synthèse sur la carence androgénique masculine induite par les opioïdes, publiés entre 1950 et juin 2024, ont été recherchés dans PubMed en utilisant les termes clés « opioids “, ” hypogonadism “, ” low testosterone “ et ” testosterone therapy ».
Résultats : les opioïdes suppriment l’axe gonadique principalement en inhibant la synthèse et la sécrétion de la GnRH. La prévalence du déficit androgénique induit par les opioïdes chez les hommes varie entre 20 % et 80 % et est influencée par le type d’opioïde utilisé, la durée d’exposition, l’âge de la cohorte et par le seuil de testostéronémie choisi pour définir le déficit. Des données limitées issues d’essais cliniques suggèrent que le traitement par testostérone améliore la libido, la composition de la masse corporelle et certains domaines de la qualité de vie chez ces patients. Des données récentes suggèrent également que la testostérone aurait des propriétés anti-nociceptives, confirmant certaines données d’études précliniques et d’études de population
Conclusion : L’utilisation chronique d’opioïdes est une cause fréquente mais sous-estimée de déficit en androgènes chez les hommes. Il est nécessaire de sensibiliser les cliniciens à cet effet indésirable de la consommation d’opioïdes. Les essais cliniques en cours permettront de mieux comprendre l’efficacité de la thérapie à la testostérone, en ce qui concerne ses effets anti-nociceptifs.
Commentaires : Cette revue de littérature présente de limites : elle n’a étudié que les données issues des patients ayant eu des ordonnances d’opioïdes en ce qui concerne l’impact sur l’axe gonadique masculin. Les données concernant les hommes souffrant d’une dépendance aux opioïdes, ont été exclus, car les deux populations de patients sont très différentes. Cette revue de la littérature est uniquement consacrée à l’évaluation de l’effet des analgésiques opioïdes sur les niveaux sériques d’androgènes et à l’efficacité du traitement par la testostérone chez les hommes souffrant d’un déficit androgénique induit par les opioïdes. Les effets du déficit en androgènes induit par les opioïdes sur la qualité du sperme n’ont pas été analysés, car les données publiées sont rares et concernent principalement des hommes souffrant d’une dépendance aux opioïdes.
Béatrice Cuzin