La sexualité dans la religion musulmane : Aspects pratiques et limites

La sexualité dans la religion musulmane :

Aspects pratiques et limites

 

Introduction 

Devenue banale dans l’entendement général, la sexualité est une chose naturelle et peut se définir comme une manière dont une personne vit et exprime les instincts et les sentiments qui forment son attirance sexuelle pour autrui.

Dans la religion musulmane, la sexualité est un sujet important abordé dans le Coran et cité notamment dans de nombreux passages : « Humains, Nous Dieu avons fait de vous des peuples et des tribus afin que vous connaissiez mutuellement… » 1

Ni dans le Coran ou même la Sunna (somme des paroles et des pratiques du Prophète inspirées par Dieu) il est un passage où le plaisir sexuel est condamné.

Les plaisirs du corps, notamment sexuels sont nécessaires physiologiquement et psychologiquement pour l’équilibre de l’être humain. Dans certains cas même ils peuvent aller jusqu’à participer à un épanouissement spirituel et avoir ainsi une portée théologique et mystique considérable.

Quelle vision la sexualité a-t-elle dans la religion musulmane et quelles sont les différentes formes de sexualité et leurs limites ?

 

 

 

 

 

 

 

Cadre légal

La sexualité est pour tout musulman ou toute musulmane un plaisir assumé s’il se produit dans une relation de couple uni par un contrat de fidélité qu’est le mariage (nikah).

Dans ce cadre, toutes les formes de plaisirs sont permises et deviennent légitimes et ne peuvent en aucun cas être taboues ou honteuses.

Les relations sexuelles sont ainsi encouragées et sont perçues comme un droit et un devoir ayant pour finalité la recherche du plaisir mutuel.

Dans le cas contraire, le mariage peut même être déconseillé voire interdit si un des partenaires est incapable d’assumer les exigences notamment en matière sexuelle.

Dans cette situation, le mariage ne pourra être admis que si un des partenaires le consent en connaissance de cause.

En réalité ce qui n’est pas autorisé dans l’Islam c’est surtout l’abstinence totale en dépit de la présence, de la persistance voire de l’insistance du désir sexuel.

 

2° La sexualité à tout prix….. ou à des fins de procréation ?

Il s’agit de savoir si la sexualité dans la religion musulmane peut être une simple expression du désir sexuel ou simplement un moyen de procréer.

La question mérite d’être posée dans la mesure où il existe un hadith du Prophète2 qui appelle à la croissance et à la multiplication. En réalité cet appel à la croissance doit être interprété comme une invitation, une recommandation spirituelle ou éthique (mustahab) et non comme une obligation religieuse (fard).

C’est ce qui est d’ailleurs défendu par de nombreux canonistes qui considèrent qu’il y a là aucun devoir moral obligé.

L’argument qui vient à appuyer cette interprétation est la pratique du « coïtus interruptus » (al  azl en arabe). En effet les musulmans déjà à l’époque du Prophète, le pratiquaient sans risque de condamnation ni de la part du Coran ni de celle du Prophète. Ce qui revient à dire que dans la religion musulmane la recherche d’un plaisir sexuel sans procréation est permise ou tolérée. Les canonistes ajoutent cependant qu’il est nécessaire d’obtenir l’autorisation de la femme car ce procédé peut porter préjudice à son droit à la jouissance sexuelle.

Mener une vie de couple sans projet d‘enfants est toléré et ceci explique en partie la raison pour laquelle les musulmans dans leur immense majorité ont accueilli historiquement la pilule contraceptive et le préservatif.

En effet dans les ouvrages classiques du droit musulman, certains canonistes ont autorisé l’interruption volontaire de grossesse et ce avant le délai de 4 mois.

Il se réfère à un hadith du Prophète dans lequel il affirme que l’âme humaine (ar-ruh) est déposée d’un fœtus à partir de 120 jours et 4 mois1. Jusque -là, la vie de l’embryon et du fœtus est considérée comme purement biologique, végétative, ne contenant pas encore l’élément spirituel.

A cet effet, plusieurs méthodes de contaception sont aujourd’hui proposées chez l’homme et chez la femme telles que les préservatifs, la vasectomie, la pilule, l’implant hormonal féminin…

Autrement dit la technique du « retrait » et les méthodes de contraception admises dans l’Islam sont une illustration sans contexte de la distinction du plaisir sexuel de l’acte fécondant.

Ceci fait apparaître une notion importante qui est celle de l’enfant « désiré » et non de l’enfant « imposé » ce qui permet dans tous les cas d’affirmer son choix.

 

3° Les différentes pratiques sexuelles et leur limites…

 

. La masturbation : pratiquée par de nombreux musulmans et musulmanes, elle est en majorité considérée comme immorale et honteuse.

Elle est interdite par de nombreux canonistes et notamment les malikites4 tandis qu’elle est autorisée par certains hanfites5. Pour Ahmed Ibn Hanbal fondateur de l’école hanbalite, le sperme n’est qu’un simple liquide, comme le reste des humeurs, des hormones, des liquides que sécrète le corps, et qui peut donc être éliminé du corps par une simple masturbation, surtout si le musulman se trouve dans une nécessité physiologique.

La même permission est donnée à la femme qui se trouve dans un désir sexuel et qu’elle ne peut assouvir son désir sexuel que par ce procédé. Il est même permis d’utiliser des objets tels que les godemichés…

Au sein du couple il est également permis de se faire masturber par son, sa conjoint (e) dans le but de faire naitre ou augmenter le désir du partenaire et de lui permettre d’atteindre l’orgasme mais les pratiques violentes voire sadomasochistes sont interdites.

En règle générale toute pratique (fellation, cunnilingus, attouchement, position…) ou même des paroles érotiques sont permises du moment où elles participent à augmenter le plaisir dans le but de déclencher une jouissance.

 

La sodomie :

elle est interdite chez la majorité des canonistes. Cependant l’absence de textes scripturaires authentiques et univoques qui interdiraient cette pratique entre un homme et sa femme est l’argument souvent évoqué pour légitimer son autorisation par certains canonistes6. Ces derniers minoritaires voient dans le Coran un passage qui l’autoriserait : « Vos femmes sont comme un champ de labour pour vous. Abordez votre champ de labour de la façon que vous voulez… »1.

Et ceci est d’autant plus autorisé lorsque les 2 parties sont consentantes7.

 

. Rapports sexuels durant les menstruations : la pratique est unanimement interdite par tous les canonistes conformément à la lettre du verset : « ils t’interrogent au sujet des menstrues. Dis leur que c’est une affection. N’approchez pas les femmes en cours de menstruation, jusqu’à ce qu’elles soient propres… »8.

Mais le couple hormis l’intromission du pénis dans le vagin peut recourir à toutes formes de contact et de jouissances sexuels, comme l’explique le hadith du Prophète : « Faites toutes choses, sauf le coït (an-nikâh) – la pénétration… »9.

 

. L’homosexualité : cette pratique est unanimement interdite par tous les savants canonistes, moralistes et juristes musulmans. Toutefois, l’homosexualité a toujours été sociologiquement pratiquée et se pratique encore discrètement dans certaines cultures et milieux musulmans.

4° Conclusion

Parler de sexualité dans le monde musulman est un exercice difficile car il fait intervenir de nombreux facteurs notamment culturels, religieux, sociaux et même personnels en rapport avec la sensibilité de chaque individu.

Autant de particularités qu’il faut intégrer dans les consultations spécialisées afin de mieux cerner les attentes et mieux aborder les prises en charge thérapeutiques.

 

 

Références :

  1. Coran, XLIX, 13.
  2. « Mariez vous avec la femme affectueuse et féconde, car je coudrais que vous surpassiez en nombre toutes les autres communautés le Jour de la Résurrection » Abu-Dawûd et An-Nasaï via Maaqal ibn yasâr, Mirqât al-mafâtîh de Ali Al-qâry, t. VI, n°3091, p271. Al maktaba at-tijâria. Edition non datée. La Mecque.
  3. Bukhârî via Jâbir, in fath al-bârî d’Ahmed ibn Hajar, tX, n°5207, 5208, 5209, 5210, p381-382, Dar al-fikr, 1991, Beyrouth
  4. Abubakre ibn-Arabî, Ahkâm Al-Qurân, dâr al-ma’rifa, t3, p.1315
  5. Ahmed Ibn-Hajar, fath al-barî, t, X, p.140
  6. Ahmed ibn-Hajar, Talkhîsu al-Habir, dâr al-m’rifa, 1964, Medline, t. I, partie 3, p.179-188.
  7. Al-Burzulî ibn-Ahmad, op. cit. t II, p. 321-22
  8. Coran, II, 222
  9. Muslim via Anas Ibn Malik, Ikmâl Al-mu’lim de Ayyâd, dâr al-wafâ, 1998, Al-Mansûra (Egypte), t II, n°302, p.132-133.